Éléments pour l’axe 6, la connaissance

 Terminales HGGSP AXE 6 : LA CONNAISSANCE


Sujet : Produire et diffuser la connaissance depuis le XVIème siècle.


Première étape au brouillon : définir les termes du sujet : 


On peut dans le cadre d’un DM, utiliser le dictionnaire ou Wikipedia (pour les sujets non polémiques). 


Connaissance : La connaissance est une notion polysémique (au sens pluriels), à la fois utilisée dans le langage courant pour définir l’ensemble des savoirs (culturels, historiques, scientifiques et techniques). La connaissance est un objet d'étude poussée de la part des sciences cognitives et des philosophes contemporains. 


La connaissance c'est la faculté mentale produisant une assimilation par l'esprit d'un contenu objectif préalablement traduit en signes et en idées (la connaissance c’est plus prosaïquement, l’ensemble des savoirs transmissibles d’un individu ou d’un groupe, c’est ce qui est su et qui peut être partagé). Mais également le résultat de cette opération. La connaissance rationnelle, méthodique universelle a parfois été opposée au savoir empirique, chaotique, objectif, la science accumule les connaissances scientifiques.

Les connaissances, leur nature et leur variété, la façon dont elles sont acquises, leur processus d'acquisition et de transmission leur valeur et leur rôle dans les sociétés humaines, sont étudiés par une diversité de disciplines, notamment la philosophie, l'épistémologie, la psychologie, les sciences cognitives, l'anthropologie et la sociologie.

( source wikipedia : Philippe Hirou, historien, premier contributeur )


Produire : se poser la question de la production, c’est se poser la question de la production de la connaissance. Produire c’est fabriquer quelque chose. Ici, fabriquer quelque chose d’immatériel, un savoir. 

Des questions nous viennent : comment la connaissance est-elle créée ? Par qui ? Pourquoi ? Dans quelles conditions ?   


En 1914, Bertrand Russell (Bertrand Arthur William Russell, 1872-1970, mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique, Russell est considéré comme l'un des philosophes les plus importants du XXᵉ siècle) publie : La méthode scientifique, livre dans lequel il s’appuie sur les écrits des philosophes et savants René Descartes, Emmanuel Kant et Antoine Lavoisier pour mettre en évidence les principes de la méthode scientifique : formulation d’une hypothèse, réalisation d’une expérience de validation de cette hypothèse puis théorisation du résultat en cas de validation de l’hypothèse. Bertrand Russell, pour mettre en avant l’unité de cette connaissance dite “connaissance scientifique'' parle de “continuum de la connaissance” particulièrement. On peut donc parler de connaissance au singulier. Et par ailleurs dès lors d’une production unifiée de la connaissance. 


Quelques éléments à connaître : dans Les Méditations métaphysiques, une œuvre du philosophe René Descartes, parue pour la première fois en latin en 1641, Descartes pose la question des connaissances absolues. Il relance le mouvement antique de la “connaissance vraie” (avec Platon ou Démocrite).  


Emmanuel Kant et Lavoisier sont les deux grands penseurs de la méthode scientifique exposée (hypothèse + expérience + théorisation, de fait validée par reproduction par une académie) par Bertrand Russell (1914). 


Diffuser : porter une idée à la connaissance d’un public. 

Dès lors se pose la question des moyens et des possibilités du partage de la connaissance, de sa diffusion. 

Quels canaux ? (Presse, internet). Quels contrôles ? (Autorité de contrôle, Censure).


Premier jalon : En 1450, dans son atelier de Mayence (Saint-Empire Romain Germanique), il met au point le procédé de l'imprimerie : sa presse à bras permet de reproduire, sur papier, la forme de caractères métalliques préalablement encrés. Le premier livre ainsi imprimé, la Bible à quarante deux lignes, dite Bible de Gutenberg paraît en 1454.


La Renaissance : c’est la période historique ouverte par les grandes découvertes (particulièrement la découverte de l’Amérique en 1492 par Christophe Colomb) et qui s’achève avec la fin du XVIème siècle. 


L’expression “à nos jours” renvoie à notre période contemporaine. 


Problématique : 

Dans quelle mesure la méthode de création de la connaissance scientifique a-t-elle été renouvelée à partir de la Renaissance ? Et comment, sur la même période, la diffusion de la connaissance s’est élargie et est devenue, peut-être, incontrôlée et incontrôlable ? 


I- De la Renaissance (XVIe siècle) à la fin des Lumières (la Révolution française) la diffusion de la connaissance est réservée aux élites et contrôlée par elles, même si par la redécouverte puis le dépassement des sciences antiques, on met en évidence un mouvement de fond de remise en question des connaissances scientifiques.


  1. Le renouvellement des savoirs par la méthode de l’observation empirique. 


Raphaël, Michel-Ange qui en art remettent l’observation de l’homme au cœur de la production artistique puis de la science avec les humanistes, souvent à la fois artistes et hommes de sciences comme Léonard de Vinci. Au clos Lucé, lors de ses dernières années en France (1516-1519) ses travaux mêlent art et production scientifique. 


page d’un manuscrit de Léonard de Vinci

autre page de manuscrit dite de l’homme de Vitruve vers 1490 par Léonard de Vinci. 


  1. Une diffusion encore limitée mais de nouveaux outils qui facilitent la diffusion des sciences. 


Au Moyen-âge, les livres sont produits majoritairement par des moins copistes spécialisés qui copient et enluminent les ouvrages. Les volumes sont produits à la main et coûtent très cher, car chaque page mobilise plusieurs lettrés et par ailleurs est réalisée sur de la peau de chèvre : le parchemin. Les livres sont donc rares et coûteux, leur production est très contrôlée et surveillée par l’Église.


 Un extrait de page du manuscrit des Très riches heures du Duc de Berry. Les Très Riches Heures du duc de Berry sont un livre d'heures commandé par le duc Jean Ier de Berry et actuellement conservé au musée Condé à Chantilly (Oise, France).


Le manuscrit est commandé par le duc de Berry aux frères Paul, Jean et Herman de Limbourg vers 1410-1411. Inachevé à la mort des trois peintres et de leur commanditaire en 1416, le manuscrit est probablement complété, dans certaines miniatures du calendrier, par un peintre anonyme dans les années 1440. Certains historiens de l'art y voient la main de Barthélemy d'Eyck. En 1485-1486, il est achevé dans son état actuel par le peintre Jean Colombe pour le compte du duc de Savoie. Acquis par le duc d'Aumale en 1856, il est toujours conservé au château de Chantilly, dont il ne peut sortir, en raison des conditions du legs du duc.


Tout change à partir de la fin du XVème siècle. En effet, en 1450, dans son atelier de Mayence, Johannes Gutenberg met au point le procédé de l'imprimerie par presse à bras mécanique à caractère alphabétique mobile métallique qui permet de reproduire, sur papier, la forme de caractères métalliques préalablement encrés. Le premier livre ainsi imprimé, la Bible à quarante deux lignes, dite Bible de Gutenberg paraît dès 1454. 


Un atelier d’impression européen de la Renaissance. 


La diffusion rapide de l’imprimerie en Europe provoque l’accélération de l’augmentation de la production de livres et la chute de leur coût. 


  1. Patronage, contrôle et censure du pouvoir.


Néanmoins, la connaissance n’en devient pas pour autant un objet de création et de diffusion libre. 


La production de connaissance est coûteuse. Matériel d’expérience et d’étude sont financés par de grands princes européens comme François Ier qui règne de 1515 à 1547.


Durant le règne de François Ier, le royaume est marqué par l’éclat du mouvement scientifique. François Ier s’attache les services de nombreux humanistes, particulièrement italiens. Sa cour est dominée par la personnalité de Léonard de Vinci. Artiste exceptionnel, de Vinci fut aussi un esprit encyclopédique extraordinaire. Très intéressé par l’étude des savants de l’Antiquité, il y ajoute le fruit de ses observations personnelles. Ses recherches dans le domaine de la mécanique, de l’astronomie dépassent de beaucoup son temps. Il soupçonne les lois de la géologie, se préoccupe d’anatomie, d’urbanisme, de génie militaire et effectue des recherches sur la navigation aérienne. S’il meurt en 1519 à Amboise, au château du Clos Lucé, sans que ses recherches n’aient de portée immédiate, son souvenir et ses travaux marquent durablement le champ scientifique naissant. 


En 1543, Nicolas Copernic, mourant, fait paraître chez un imprimeur luthérien de Nuremberg, en Allemagne,  De Revolutionibus Orbium Coelestium (Des révolutions des sphères célestes). Copernic a attendu plus de 30 ans avant de faire paraître son manuscrit, craignant la sanction de l’Église.


Le 17 février 1600, s’appuyant sur les thèses de Galilée, Giordano Bruno, né en janvier 1548 à Nola (Royaume de Sicile) est condamné à mort par le tribunal de l’Inquisition et brûlé vif, à Rome, pour avoir défendu l'héliocentrisme copernicien et l’idée d’un univers infini possédant une pluralité de système planétaire semblable au nôtre. 


En anatomie, à partir de 1539, André Vésale montre combien les thèses du médecin antique Galien sont fausses. Et, voulant initialement prouver les thèses de Galien, il les réfute. Là encore, André Vésale recherche les patronages de grands princes et de républiques puissantes. Il devient chirurgien de Cosme de Médicis, puis de Charles Quint, travaille pour la république de Venise. 


Les savants de la Renaissance cherchent aussi la protection des princes pour se protéger de l’inquisition et de l’Église qui contrôle la connaissance. En 1616, l’héliocentrisme est condamné par l’Église et en 1633, l’ouvrage de Galilée Dialogue sur les deux grands systèmes du monde est condamné. 


André Vésale lui-même meurt en 1564 en Grèce au cours du retour d’un pèlerinage en terre Sainte peut-être imposé par une sentence de l’Église. 


FOCUS : le terme musée vient du grec Mouseion, “Temple consacré aux Muses”, divinités des arts. Ce terme a été utilisé en particulier pour un bâtiment construit à Alexandrie vers 280 av. J.-C. par Ptolémée Ier Sôter, fondateur de la dynastie grecque des Lagides d’Égypte : le Mouseîon d'Alexandrie, un ensemble faisant office à la fois de sanctuaire et de foyer de recherches intellectuelles.


Sur le plan matériel, Il comprenait une grande salle de colloque, des portiques, des salles d’études, sans doute des logements et un cénacle pour les repas. Pour le décorer y est installée la première collection d’œuvres d'art.

Du IIIe au Ier siècle av. J.-C., il héberge surtout un collège d'érudits philologues, pensionnés par le mécénat royal, dispensés des soucis de l'existence pour se consacrer à l'étude. Les savants qui le fréquentent (philosophes, philologues, mathématiciens, astronomes, géographes, poètes) peuvent utiliser la Bibliothèque d'Alexandrie attenante, ainsi que les jardins botaniques et zoologiques, l'observatoire astronomique ou le laboratoire d'anatomie. Ils y observent la nature et les textes. 


Lieu de recherche et d'étude, le Museion reprend les préceptes du Lycée d'Aristote en Grèce et fera d'Alexandrie le principal foyer intellectuel de l'Époque hellénistique. 


Sous le règne du calife abbasside Al-Mamun, la bibliothèque du calife Haroun al-Rachid à Bagdad s'ouvre aux savants en 832. Le lieu d’étude sert d’exemple à la création de toute une série de lieux d’études analogues et d’universités dans le monde arabe, les “maisons de la sagesse”.  


Miniature arabe du XIIIème représentant une salle d’étude.


En 1506, le pape Jules II ouvre au public la collection de statues antiques du Belvédère du palais du Vatican. C’est le premier musée moderne.


Le 22 décembre 1666, Louis XIV fonde l’Académie royale des sciences. L’autorité royale, s’appuyant sur des collèges de pairs (les scientifiques entre eux) se fait l’arbitre de la vraie et de la fausse science.


La science est désormais en Europe déchristianisée. 


II-Le XIXe siècle


  1. La Révolution industrielle met les sciences et la technique au cœur du développement des pays européens.


Les différentes phases de la Révolution industrielle s'appuient sur des découvertes scientifiques. 


En 1763, l'Écossais James Watt (1736-1819) répare l’une des machines à vapeur conçues par Thomas Newcomen et cherche alors des idées d'amélioration pour en augmenter l'efficacité. Ses réflexions débouchent en 1765 sur l'idée d'une chambre de condensation pour la vapeur séparée du cylindre principal par une valve, idée pour laquelle il dépose un brevet en 1769. Il commence alors à produire des moteurs améliorés et en 1781 démarre la production d’une machine à vapeur à double action et à mouvement rotatif. 


Le mouvement rotatif et la miniaturisation des machines à vapeur permettent bientôt d’équiper des filatures et des moulins en machines à vapeur et de songer aux premières locomotives. 


L’industrie augmente considérablement les moyens économiques et militaires des états d’Europe. Ce sont les progrès techniques en matière d'industrie mais aussi en termes de production agricole et agro-alimentaire (engrais, la congélation de la viande, les vaccins) qui portent la croissance démographique européenne des années 1830-1914 puis 1919-1940 et qui permettent la colonisation de pays étrangers par les puissances européennes.


Usines et mines dans l’Angleterre du début du XIXème siècle


  1. Généralisation de l'alphabétisation : la science pour les masses. 


La période qui va de la Révolution française au milieu du XXème siècle est également marquée par une hausse de l’alphabétisation.

En France, l’instruction publique devient obligatoire à partir de la loi Guizot de 1833.


La loi stipule que : 

Art. 1. - L'instruction primaire est élémentaire ou supérieure.


L'instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures.


L'instruction primaire supérieure comprend nécessairement, en outre, les éléments de la géométrie et ses applications usuelles, spécialement le dessin linéaire et l'arpentage, des notions des sciences physiques et de l'histoire naturelle applicables aux usages de la vie, le chant, les éléments de l'histoire et de la géographie, et surtout de l'histoire et de la géographie de la France.


Selon les besoins et les ressources des localités, l'instruction primaire pourra recevoir les développements qui seront jugés convenables.


Art. 2. - Le vœu des pères de famille sera toujours consulté et suivi en ce qui concerne la participation de leurs enfants à l'instruction religieuse.


Art. 3. - L'instruction primaire est privée ou publique.


Art. 8. - Les écoles primaires publiques sont celles qu'entretiennent, en tout ou en partie, les communes, les départements ou l'État.


Art. 9. - Toute commune est tenue, soit par elle-même, soit en se réunissant à une ou plusieurs communes voisines, d'entretenir au moins une école primaire élémentaire.


Dans le cas où les circonstances locales le permettraient, le ministre de l'instruction publique pourra, après avoir entendu le conseil municipal, autoriser, à titre d'écoles communales, des écoles plus particulièrement affectées à l'un des cultes reconnus par l'État.


Art. 10. - Les communes chefs-lieux de département, et celles dont la population excède six mille âmes, devront avoir en outre une école primaire supérieure.


Art. 11. - Tout département sera tenu d'entretenir une école normale primaire, soit par lui-même, soit en se réunissant à un ou plusieurs départements voisins.

Le culte des « provinces perdues » transmis par l'instituteur à des élèves en uniforme d'un bataillon scolaire. Peinture d'Albert Bettanier, la tâche noire, 1887


En 1880 et 1881, les lois Ferry rendent l’école gratuite, laïque et obligatoire, pour tous les jeunes Français. 


Pour le régime républicain, l’accès à la lecture permet l’accès à l'exercice des pouvoirs citoyens. Les députés défendent l’idée que des citoyens éclairés par la connaissance seront de meilleurs citoyens, de meilleurs travailleurs et de meilleurs soldats (pour les garçons). 


La science demeure cadrée par le cadre de sa diffusion, les revues et les livres scientifiques qui par ailleurs bénéficient des progrès de l’impression (premières impressions d’images en couleurs, photographie). 


Aujourd'hui 86 % de la population mondiale est alphabétisée, c’est plus des trois quart, mais beaucoup ignorent ce progrès. Alors, c'était vraiment mieux avant ? En France, le taux d'alphabétisation est de 99 %, soit le niveau général des pays occidentaux. Le combat demeure l’alphabétisation des femmes : le taux mondial est de 83 % pour les femmes, 57 % seulement, en Afrique subsaharienne. 


Pour s’inscrire dans une économie concurrentielle capitaliste de plus en plus mondialisée basée sur “l’économie de la connaissance”, savoir lire, écrire, et maîtriser mathématiques et sciences est indispensable. 


FOCUS : “L'économie du savoir”, ou “économie de la connaissance”, ou encore “capitalisme cognitif”, est une théorie économique selon laquelle une nouvelle phase de l'histoire économique basée sur le triomphe des pays à forte innovation (les “pays producteurs de savoir” de types brevets et connaissances scientifiques mais aussi artistique et de divertissement comme les Etats- Unis, l’Europe occidentale ou le Japon) aurait triomphé dans les années 1990 au détriment des pays industriels "exécutants" (comme la Chine, la Corée, ou Taïwan). Le concept est établi par Fritz Machlup en 1962 dans un livre The production and distribution of knowledge in the United States, sa thèse de 1977 mettait en évidence que près de 45 % des employés aux États-Unis produisaient ou manipulaient de l'information dans le cadre de leur travail. Ces travaux sont repris dans une annexe d'un rapport officiel français paru en 1978, L'Informatisation de la société, rapport qui connaît un succès médiatique sans précédent sous le nom de ses auteurs Simon Nora et Alain Minc. Ces travaux appuient en France la "tertiarisation" de l’économie. 


Les locomotives des pays anciennement industrialisés deviennent alors les industries fondées sur le savoir, les industries manufacturières de haute technologie et les services : surtout les services de conseil, d’apprentissage, d’aides au collectivités et aux publics, à l’organisation du travail et les activités de banque, assurance et autres services aux entreprises.


Les industries de la connaissance représentent alors plus de 50 % du PIB de l’ensemble de la zone OCDE à la fin de la décennie 1990 contre 45 % en 1985 et connaissent une croissance supérieure au PIB dans la plupart des pays du monde à partir de 1990.


Ce type de société marchande de la connaissance, va de paire avec l’extension des droits de propriété sur des savoirs (brevets) ou de l'information (droits d’auteurs) qui faisaient jusque-là partie des « biens communs » : connaissance produite par les professionnels du savoir (chercheurs, universitaires), des sociétés traditionnelles où le droit de propriété intellectuelle n'existe pas ou enfin de l'information disponible dans la nature (codes génétiques), les sociétés « post-industrielles », notamment celles de tradition anglo-saxonne, privatisent et fabriquent ainsi de nouveaux espaces marchands sources de profits, ainsi que de rentes monopolistiques pour les détenteurs de ces nouveaux droits, au détriment des plus pauvres.


Le problème, et la crise du COVID l’a montré, c’est la fragilité des sociétés post-industrielles, dépendantes des pays industriels pour se fournir en biens matériels d’équipement (matériel médical, mais aussi batteries pour les appareils de locomotions décarbonés).


  1. Une science démocratique ? 


Au XIXème siècle, les universités et les académies s’autonomisent des pouvoirs politiques. 


Seuls les pairs, les autres scientifiques, jugent de la qualité des recherches et des découvertes entreprises. Évidemment, cela ne va pas sans lutte et sans compétition. 


Ainsi, entre 1945 et 1991, les gouvernements américains et soviétiques se livrent une véritable guerre scientifique. Le meilleur exemple en demeure la course à l’espace, menée par les pouvoirs américains et soviétiques entre 1957 et 1975. 


Quelques jalons : 

Le 4 octobre 1957, le premier satellite artificiel est placé en orbite par l’URSS, c’est Spoutnik.

Le 3 novembre 1957, le premier animal est placé en orbite, c’est la chienne Laïka.

Le 12 avril 1961 a lieu le premier vol spatial et orbital habité, il emmène dans l’espace Youri Gagarine. C’est une nouvelle victoire soviétique. 

Le 5 décembre 1963 les Américains mettent au point le premier système de positionnement par satellites, l’ancêtre du GPS, NAVSAT. 

Le 21 juillet 1969, les Américains sont les premiers à faire alunir des hommes sur la Lune et à les rapatrier vivants sur Terre. C’est la mission Apollo 11. 


”Gloire au fils du parti !” Affiche soviétique des années 1960. 


Également, des conflits idéologiques prennent parfois le pas sur les controverses scientifiques. Ainsi, entre 1930 et 1963, sous l’égide de Trofim Denissovitch Lyssenko (en russe : Трофим Денисович Лысенко) un technicien agricole soviétique, né le 29 septembre 1898 à Karlivka (aujourd'hui en Ukraine) et mort le 20 novembre 1976 à Kiev, se développe en URSS une théorie génétique pseudo-scientifique, la « génétique mitchourinienne », infondée scientifiquement, mais appuyée par Staline pour mettre en échec les travaux des généticiens occidentaux comme Thomas Morgan ou Gregor Mendel jugés “bourgeois” et donc “fondamentalement faux” par le pouvoir soviétique. 


Les théories scientifiques autres que celle de « l'hérédité acquise par l'environnement » — de Lyssenko — sont interdites en Union soviétique. Les travaux de Gregor Mendel, de Morgan et des autres généticiens sur la théorie chromosomique de l'hérédité sont prohibés, les laboratoires de génétique sont fermés et les chercheurs ayant survécu aux purges d'avant-guerre sont limogés. Des centaines de chercheurs sont emprisonnés et plusieurs sont condamnés à mort, dont le botaniste Nikolaï Vavilov.


Son influence sur la pratique agricole soviétique, soutenue par Staline, décline après la mort du dictateur en 1953.


Par la suite, le terme « lyssenkisme » désignera par extension les sciences corrompues par l'idéologie, où les faits sont dissimulés ou interprétés de manière scientifiquement erronée pour servir des objectifs politiques ou religieux.


Affiche du film : “Le savant, l’imposteur et Staline, sorti en 2018 et centré sur l’affaire Lyssenko.


III- De la fin du XXème siècle à nos jours : une diffusion de la connaissance tous azimuts, mais allant de paire avec la remise en cause des acquis scientifiques, de sorte que les connaissances partagées en deviennent fragiles.


  1. Les enjeux de la diffusion des connaissances avec les nouveaux médias nés des TIC : vers une connaissance mondiale ?


Les TIC (Techniques de l’information et de la Communication) englobent l’ensemble des nouveaux moyens de communication dématérialisés. Les TIC comprennent en premier le réseau d’échange d’information Internet. Internet est développé en Amérique du Nord à partir de 1963 pour le premier protocole interne à l’armée américaine et les universités, puis en 1991 le réseau s’ouvre au public et devient mondial. 

Entre dans les TIC également, dérivée d’Internet, les réseaux sociaux et toutes les applications dérivées permettant d’échanger des informations, ou “contenus”. 


On peut citer : Instagram (création par : Kévin Systrom et Mike Krieger, en 2010, 2 milliards d’utilisateurs actifs en 2022), Facebook (2004, par Mark Zuckerberg, 2,9 milliards d’utilisateurs) Twitter (2006, 326 millions d’utilisateurs, Jack Dorsey et Evan Williams), Snapchat (2011, 319 millions, Evan Spiegel et Bobby Murphy) Telegram (2013, 700 millions, Nikolaï et Pavel Dourov). 


Ces différents canaux créés depuis moins de 20 ans ont permis une explosion des échanges d’information. En 1996, il y a 36 000 000 ordinateurs connectés.

En 2000, il y a 368 540 000 ordinateurs connectés.

2014, la barre du milliard de sites web est franchie.

En 2021, il y a plus de 4 600 000 000 ordinateurs connectés au réseau.

L’extension du réseau est monumentale. 


La miniaturisation des terminaux à rendu internet d’un accès beaucoup plus facile, quotidien. 

Si dans les années 2000, l’accès au réseau se faisait sur un ordinateur équipé d’un modem, aujourd’hui, les smartphones permettent d’accéder partout ou presque au réseau. 


Par ailleurs, Internet se démocratise. L’accès au réseau devient moins cher. Les prix des forfaits Internet baissent. Généralement, les offres intègrent internet fixe et mobile et les “hors forfait” n’existent plus. 


Un modem 56k, dont le bruit charmait le quotidien des familles connectées à Internet à la toute fin du XXe siècle.




  1. La peur du progrès et le développement de mouvements anti scientifiques.


Si la Science était vue majoritairement comme un élément positif au XIXème siècle, au XXème siècle la peur des sciences et de la connaissance scientifique en général devient importante. 


Depuis les travaux du savant et philosophe Condorcet sur les progrès de l’esprit humain, ceux du philosophe Hegel, ou des positivistes comme Auguste Comte vénère les sciences et font des progrès scientifiques la base d’une nouvelle religion. Ainsi à Paris est inaugurée la chapelle de l’Humanité en 1905 à Paris, un haut lieu de l’Eglise positiviste. 

Le drapeau du Brésil porte la devise positiviste, “ordre et progrès”. 


Un essai nucléaire français en Algérie en 1960. 


Au XXème siècle, les travaux sur la puissance nucléaire (6 et 9 août 1945, bombardement nucléaire d’Hiroshima et de Nagasaki), le réchauffement climatique, le piratage informatique, le transhumanisme, les nanotechnologies donnent à voir une science qui effraye plus qu’elle ne favorise un âge nouveau. La défiance envers la science grandit. 


Quelques bons exemples de cette défiance sont visibles en philosophie mais aussi dans les arts, via le champ par exemple de la science-fiction mais pas seulement. Le poète Baudelaire voyait déjà ses contemporains « américanisés » et rongés par les « philosophes industriels » aveuglés  par le « fanal obscur du progrès ». Georges Bernanos, fait paraître en 1945, La France contre les robots, 1945. Un ouvrage où il décrit la menace d’un monde dont les autorités « seront unies par la technique ». Il prophétisait alors qu'un « un monde gagné pour la technique est perdu pour la liberté ». On peut également citer Paul Virilio qui déclare que les technophiles les plus outranciers font le jeu des anti-science en refusant de voir les limites et les dangers de celle-ci. 


En sciences-fiction, la figure du monstre de Frankenstein, une créature humanoïde ramenée à la vie par un savant quasi fou ou Godzilla, un lézard géant mutant né des retombés de la bombes atomiques, ont donné à voir, matérialisé, les angoisses contemporaines face à la science. 


On pensera aussi à Günther Anders, qui dans L’obsolescence de l’homme, paru en 1956, préfigure les craintes nées des progrès de la technique. Pour Anders, les machines et programmes que développent les hommes les dépassent et finiront par rendre l’Homme lui-même inutile. 


Godzilla, symbole des dérives de l’usage du nucléaire militaire. 


  1. La contestation des autorités du savoir.


Mésinformation et désinformation.


Dans le monde contemporain, les autorités du savoir sont contestées, au prisme souvent de théories complotistes. 


En France, des hommes politiques comme Jacques Cheminade (candidat à la présidentiel en 1995 et 2012) ont mis en avant l’idée que les élites écologistes programmaient un “holocauste” via la décroissance de la population et de possible épidémie organisée. 


Des hommes politiques comme Donald Trump, Beppe Grillo ou Jair Bolsonaro ont construit leurs discours sur l’opposition aux vérités scientifiques. Donald Trump et Jair Bolsonaro ont nié les effets du Covid. Beppe Grillo a déclaré, par exemple, que des enfants italiens étaient morts après avoir consommé des tomates transgéniques, une fake news totale. 


Les sites de décryptage et de décodage des fausses informations (ou Fake news) luttent, au coeur de la sphère médiatique contre la information (la rédaction et la diffusion d’information fausse par erreur, négligence ou ignorance) et la désinformation (la rédaction et la diffusion d’information fausses dans le but de nuire) : la partie debunk de la rédaction de l’AFP, les Décodeurs du Monde, Les Observateurs de France 24 (qui vérifient des sources amateurs d’information), Hoaxbuster, De Facto, Le vrai du faux numérique, Check News.fr). 


Pour aller plus loin : un article de 2014 :

Radicalités anti-science contemporaines,

par Alexandre Moatti.

Dans La science en question(s), pages 249 à 256.


CONCLUSION : 


Pour conclure, les méthodes de création de la connaissance scientifique ont été largement renouvelées à partir de la Renaissance. En effet, cette période débutant à la fin du XVème siècle en Europe renouvelle fondamentalement la production de connaissances. Les Humanistes contestent les savoirs soutenus par l'Église, produisent de nouvelles connaissances laÏcisées, appuyées sur les textes antiques et qui sont diffusées plus rapidement et plus largement grâce à l’imprimerie. Jusqu'à la Révolution française, l’Europe poursuit ses découvertes mais le savoir est encore largement contrôlé par les politiques via les académies ; les grands princes contrôlent et financent la production et diffusion des savoirs.  Pour autant la connaissance reste élitiste et est encore très contrôlée. Seule une élite a accès au savoir. À partir du XIXème siècle et de la révolution industrielle, la connaissance scientifique devient le moteur de la croissance des sociétés et par ailleurs, la démocratie se développe. Les républiques comprennent rapidement que les citoyens doivent être éduqués pour s’inclure dans l’économie et participer à la vie civique et échapper à la tyrannie. Les connaissances se diffusent notamment grâce au développement de l’alphabétisation (l’école devient gratuite, laïque et obligatoire pour les filles et les garçons avec les lois Ferry de 1880-81). Avec le développement économique de l’Europe et la séparation entre l’Église et l’État, la connaissance scientifique se déploie plus librement. Cependant la politique continue de jouer un rôle majeur dans les sciences notamment lors de la guerre froide (1947-1991) et de la course à l’espace entre les États-Unis et l’URSS. Avec la fin du 20eme siècle et le début du 21eme, la connaissance connaît une remise en cause notamment avec l’arrivée des TIC. À travers ces nouvelles technologies qui sont d’un usage courant sur l’ensemble de la planète (1.5 milliard d’utilisateurs d’instagram, 2.85 milliards pour Facebook) de fausses informations sont en circulation et la défiance face à la science grandit. Rétrospectivement, à partir du milieu du XXème siècle, la science est devenue pour beaucoup de citoyens effrayante suite à quelques évènements marquants : les bombardements nucléaires américains en 1945, l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986 et les premiers clonages de mammifères à partir de 1996. La connaissance semble être devenue incontrôlable et sans limite. Les fake news semblent parfois avoir plus d’ampleur que les nouvelles connaissances scientifiques prouvées. Nos sociétés contemporaines semblent être prises dans un paradoxe étrange et inquiétant où malgré une connaissance scientifique extraordinaire, l’anti-science semble également se diffuser massivement. Entre 2000 et 2022, par exemple, la part des français apportant du crédit à l’astrologie a augmenté de 10%.