B - Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand : des présidents entre chocs et ruptures.
1- "Les années VGE"
Après le décès prématuré de Georges Pompidou, intervenu
le 2 avril 1974, des élections présidentielles sont organisées en
France. Le candidat favori de l'élection des 5 et 19 mai 1974 est Jacques
Chaban-Delmas. Le maire de Bordeaux est un gaulliste historique. Ancien
résistant il est soutenu par tous les anciens compagnons du Général De
Gaulle et par les gaullistes les plus célèbres comme André Malraux. En
1963 il est dans la liste des "barons du gaullisme" pointés par le
Nouvel Observateur. C'est un homme du sérail. Il a été 5 fois ministre,
dont plusieurs fois premier ministre de G. Pompidou. Il est le favori de la
campagne de 1974.
Jacques
Chirac en compagnie de Jacques Chaban-Delmas (à droite) au congrès de
l'UDR (l'Union des Démocrates pour la 5e République, le parti gaulliste)
en 1971. "Chaban" ne sait pas, alors, que Jacques Chirac aka "Chichi", le jeune loup, va le trahir.
Pourtant, c'est Valéry Giscard-d'Estaing, un jeune ex-ministre de 48 ans qui est élu.
En effet, Jacques Chaban-Delmas multiplie les erreurs pendant la campagne:
-
Il se déclare candidat à peine 48 heures après la mort de G. Pomdidou,
alors que l'hommage de l'Assemblée Nationale au président défunt n'est
pas achevé ce qui apparaît inélégant à nombre d'observateurs.
-
Le Canard Enchaîné le brocarde et en fait "le chantre des petits
arrangements fiscaux", sa feuille d'imposition est publiée, révélant
alors qu'il paye moins de 20 000 francs d'impôts pour environ 250 000
francs de revenus annuels, des revenus largement défiscalisés, son frère
est d'ailleurs cité dans plusieurs affaires d'évasions et
d'optimisations fiscales.
-
Enfin, la presse à scandales en fait à demi-mots le meurtrier de sa
seconde épouse, morte en 1970, dans un accident de la route. (Sa voiture
ayant heurté un platane, on accuse Jacques Chaban-Delmas, alors
premier ministre, d'avoir fait saboter la voiture de sa femme pour
pouvoir épouser sa jeune maîtresse sans avoir à divorcer (il épouse en
effet Micheline Chavelet à peine un an plus tard). Même si la police qui
a ouvert une enquête ne trouve aucun élément pour conclure au sabotage
de la voiture J. Chaban-Delmas est durablement sali.
Politiquement,
il apparaît comme un candidat traditionnel, n'incarnant aucune forme de
rupture, voire pire, incarnant le retour à la politique austère du
Général De Gaulle après des années Pompidou ouvertes à l'innovation et tournées vers la bonhommie et la modernité.
En
face Valéry Giscard d'Estaing veut incarner la rupture : il est jeune, il a 48 ans, il est proeuropéen et appuie
l'idée d'un parlement européen renforcé et la création d'une banque
centrale européen. C'est un homme de droite mais il apparaît ouvert à la jeunesse et à ses aspirations. Il est ll'un des précurseurs du
néolibéralisme en France mais arrive à faire brosser de lui un portrait d'homme attentif aux plus faibles (entre autres choses grâce à Simone Veil). Lui est favorable à la monnaie unique et à l'Europe justement pour imposer le libéralisme et la fin des industries protégées, il est opposé au
protectionnisme rénovée que réclament les grands patrons français pour
résister à l'émergence des économies asiatiques. Il croit à la
compétitivité et à la rigueur budgétaire. Pour lui l'industrie et le commerce français doivent s'adapter. C'est un homme de chiffres, il
est le plus jeune ministre des finances lorsque Georges Pompidou
l'appelle au gouvernement en 1969.
De
fait même s'il a été plusieurs fois députés et ministre il arrive au
seuil de l'élection comme un "homme neuf" pour la presse et les Français. De fait son parcours est très proche de celui d'Emmanuel Macron. Il est
vierge de toute affaire politique ou scandale important. De plus sa campagne
s'inspire des innovations électorales américaines :
-
Il n'hésite pas à mobiliser sa famille, ainsi sa fille Jacinte (13 ans)
pose à ses côtés sur l'affiche de campagne et Anne-Aymone Giscard
d'Estaing sa femme va jusqu'à coller des affiches pour lui devant la
presse. Elle anime des meetings politiques, reçoit des journalistes,
entretient des liens forts avec des vedettes du showbizness comme Johnny
Halliday.
Jacinte Giscard d'Estaing (13 ans) et Valéry Giscard d'Estaing sur l'affiche de la campagne de 1974. Il pose dehors "à la fraîche", une révolution!
Brigitte Bardot, icône sexy des seventies, en culotte et tshirt "Giscard à la barre" en 1974. Elle ne soutenait pas encore Jean-Marie Le Pen...
La
peopolisation de la campagne politique de 1974 est un tournant pour la
vie politique française. Et ce virage est impulsé par Valéry Giscrd
d'Estaing et son équipe de campagne : jeune, accompagnée de publicitaires célèbres.
Le tournant de l'élection a alors lieu le
13 avril 1974 quand paraît "l'appel des 43" dans la presse. Orchestré par
Jacques Chirac, jeune ministre, "jeune loup" de la politique française il appelle les électeurs gaullistes à
soutenir une candidature unique de rupture, et donc à soutenir Valéry
Giscard-d'Estaing. Avec cet appel, signé par 43 ministres et parlementaires gaullistes il condamne la génération des "barons"
entrée en politique avant 1960 voire carrément pendant la guerre 1940-1945 avec la France Libre
c'est le coup de grâce. Jacques Chaban-Delmas tombe à 10% d'intention
de vote dans certains sondages d'opinion.
Le premier mai 1974, Johnny Halliday accompagné de
Danièle Gilbert, présentatrice de télévision, de Chantal Goya, et du
mari de celle-ci Jean-Jacques Debout viennent porter du muguet à
l'équipe de VGE dans son qg de campagne.
Décidément, la France du cool roule pour "VGE", "Chaban" est cuit.
"Giscard", comme le nomme la presse, constitue le dernier président des 30 glorieuses.
Sa présidence est marquée par une politique libérale, socialement et économiquement.
Il met fin à la tutelle du gouvernement sur la télévision publique française, à l'été (le 7 août) 1974. Et l'ORTF est démantelée.
Dans cette optique libérale on note que le démantèlement de l'ORTF (télévision publique) s'accompagne d'une réduction importante de personnel. Le 26 novembre, la maison de la radio est d'ailleurs investie par les grévistes, qui séquestrent le président de l'ORTF en cours de démantèlement Marcel Long. Les grévistes protestent contre le plan social. La présidence de Valéry Giscard d'Estaing n'est pas exempte d'innovations sociales et économiques.
Ainsi sous sa
présidence le Concorde effectue ses premiers vols commerciaux (1974). Il fait voter la loi instaurant le divorce par consentement mutuel
et pour rupture de la vie commune. Simone Veil défend également la loi
d'orientation en faveur des handicapés qui amène la création des COTOREP
(institutions pour l'intégration des handicapés par le travail), les
premières normes d'accessibilité pour les bâtiments sont créées.
Il réforme la constitution en favorisant la saisine du Conseil Constitutionnel par l'opposition. Qualifiée de "réformette" à l'époque, la saisine du Conseil Constitutionnelle par l'opposition (il suffit de l'aval de 60 députés ou 60 sénateurs pour saisir le Conseil Constitutionnel) permet à l'opposition de faire obstacle aux textes de projets de loi qu'elle juge anticonstitutionnels).
Il met en place
une politique libérale socialement ouverte : sous sa présidence la
majorité civile et électorale est abaissée à 18 ans. C'est sous sa
présidence que Simone Veil défend et fait voter la dépénalisation de
l'avortement et que le droit à la contraception se démocratise.
La
censure des œuvres cinématographiques et littéraires est assouplie. En
juin 1974 les Français se ruent voir au cinéma Emmanuelle, le premier
film érotique à obtenir un visa d'exploitation cinématographique large
en France.
L'une des affiches du film, reprise ici sur la pochette de la bande originale (par Pierre Bachelet l'homme des "corons"!) 1974. Le fait que je
censure cette pochette d'album pour éviter de voir mon blog être mis hors ligne par Google en dit long sur l'importation des normes
puritaines américaines en France... #tristesse
Deux premiers ministres vont marquer son mandat : Jacques Chirac, puis Raymond Barre.
Si
jacques Chirac est l'homme des réformes sociétales (divorces,
avortement) et de l'ouverture, les années Barre sont celles de la
"rigueur" selon son expression propre. Les 3 « plans Barre » de 1976, 1977 et 1978 cherchent à redresser progressivement les finances publiques.
Mais les effets des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 empêchent
l'équilibre budgétaire et l'inflation et le chômage augmentent en
France. C'est la fin des "30 glorieuses" selon l'expression de
l'économiste Jean Fourastié. Dès sa mi-mandat Valéry Giscard-d'Estaing
restreint l'immigration légale et freine le regroupement familial (il
dénoncera d'ailleurs l'arrêt GISTI du Conseil d'état du 8 décembre 1978
qui déclare contraire au droit français l'obligation faite aux
candidats à l'immigration dans le cadre du regroupement familial
d'accepter de refuser de travailler en France pour ne pas entrer en
concurrence avec la main d’œuvre française, l'arrêt consacre également
le "droit à une vie de famille normale" et interdit toute émigration
forcée d'immigrés en situation régulière il maintient également le droit
au regroupement familial, même si celui-ci est plus stricte).
Raymond Barre caricaturé par les Guignols de l'info (Raymond Barre, candidat malheureux à la présidentielle de 1988 et maire de Lyon jusqu'en 2001 reste après les années 1970 un personnage politique important, respecté, même par Jacques Chirac...)
Sa présidence marque également le retour de l'armée française en Afrique. Après
une période de désengagement ou de simple présence d'éléments
français des troupes françaises sont engagés dans des conflits ouverts. Ainsi des parachutistes
sont envoyés en opérations contre des rebelles indépendantistes
Katangais dans le Shaba (en République Démocratique du Congo, à l'époque
Zaïre) en 1978 après une prise d'otages visant des européens. En 1979 c'est
l'opération Caban qui est diligentée par le gouvernement français pour déposer Jean-Bedel
Bokassa (devenu Bokassa Ier Empereur en 1977 et alors soutenu par le
gouvernement français). Il est à noter qu'à à partir de 1973, Bokassa,
très proche de Valéry Giscard-d'Estaing, lui avait offert plusieurs fois
des diamants pour un montant total d'environ 100 000 francs soit 15 000
euros, mais évalué à l'époque par le Canard Enchaîné à 1 million de
francs. C'est l'affaire "des diamants de Bokassa". Une évaluation farfelue qui
portera préjudice à VGE et qui participera à sa défaite en 1981 contre François
Mitterrand, le candidat de de la Gauche.
Un concorde se pose au Japon.
Quand à 11h21 il passait au dessus de mon école près de Roissy je savais que j'allais bientôt aller manger chez pépé et mémé... :)
QUESTIONS :
Classez
1) Quels changements ou innovations sociales (voire sociétales) marquent le septennat de Valéry Giscard d'Estaing?
2) Quels changements ou innovations économiques marquent le septennat de Valéry Giscard d'Estaing.
3) Citez une réforme constitutionnelle marquant le septennat de "VGE". Que change-t-elle dans les pratiques politiques de la 5e République? Que permet-elle?
Répondez à ces questions et surtout apprenez les éléments du cours...
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