Société, Église et pouvoir politique dans l'occident féodal (XIe-XVe siècles) L'ordre seigneurial : la formation et la domination des campagnes.

I - L’Europe au Moyen-Âge : les perfectionnements agricoles.

Après l'an mil s'ouvre la période que l’historiographie nomme le Moyen Âge central.


Cette période est marquée par l'augmentation de la population européenne et par l'instauration de l'ordre féodal.


Si la population européenne augmente fortement c'est grâce à des innovations techniques agricoles qui favorisant les rendements comme la généralisation de la traction animale, le perfectionnement des socs de charrues ou l'invention du chariot directionnel.


Document 1. Une charrue, dans les Très Riches Heures du duc de Berry, miniature du mois de mars, années 1440, musée Condé, Chantilly


1. Décrivez l'enluminure.

2. D'où provient-elle? Que sont "Les très riches heures du duc de Berry"?

3. D'après vous, ce type d'équipement à soc métallique et traction par deux boeufs était-il accessible à tous les paysans? Pourquoi?


Également, on remplace les moulins à bras et à traction animal par des moulins à eau, plus puissants.


Et enfin avec la mise en place de l’assolement triennal, l'accroissement des rendements agricoles devient général en Europe. 


II - La société s’organise durablement selon l’ordre féodal.


Le royaume de France est divisé en duchés, comtés et marquisats, eux-mêmes divisés baronnies et seigneuries depuis l'empire carolingien. Mais si sous Charlemagne (couronné en l'an 800), les seigneurs sont révocables par la couronne, les charges féodales deviennent rapidement héréditaires sous ses descendants comme Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne, qui invite dans le capitulaire de Mersen (847) les Grands de l'Empire carolingien à entrer en vassalité.


Chaque seigneur, dans son fief, est le vassal d’un suzerain, auquel il doit soutien et obéissance. Le lien féodovassalique se compose de deux éléments : d'abord un lien personnel qui unit le seigneur et le vassal et enfin un lien réel qui trouve son origine dans le fief concédé.


Les paysans, libres ou serviles (les serfs, attachés à une terre) cultivent la terre pour le compte des nobles, en charge de la défense du territoire et de la justice rurale déléguée. 


La petite noblesse, constituée de chevaliers, sert chaque année dans l'armée du suzerain en échange du droit de conserver les revenus récoltés dans leur fief.


Document 2. Le château de Beynac dans la vallée de la Dordogne, une forteresse française du XIIIe siècle

 


QUESTIONS : 
1.Légendez l'image en indiquant: 
A-Le donjon (grande tour centrale seigneuriale) 
B-Les remparts (ou murailles)
C-Les créneaux (sommets crénelés des murailles)
D-Les meurtrières (fentes pour archer percées dans les murs)
E-Les mâchicoulis (planchers percés visibles le long de certains chemins de ronde, placés souvent au-dessus des portes ils permettaient de lancer des objets sur les assaillants) 
F-L'emplacement de la barbacane (entrée fortifiée, ici elle est cachée par la forêt mais l'on devine son emplacement grâce à une tourelle visible)
G-La chapelle
2.Pourquoi le château-fort de Beynac un lieu de pouvoir double, politique (on dit aussi "temporel") et religieux (on dit aussi "spirituel")? 

III - Architecture sacrée et Croisades.


Document 3. Deux photographies de l'église romane de Laurenque, près de Gavaudun dans le Lot-et-Garonne. A-Le portail de l'église, B-L'église vu du Sud (clocher, cœur et nef sont visibles).



L'architecture romane est caractérisée par l'utilisation de voûtes en berceau de plein-cintre (c'est-à-dire que toutes les arches, tous les arcs des voûtes, comme les fenêtres sont coiffés par des demi-cercles). 


Document 4. Notre-Dame à Paris, le chantier de cette cathédrale, joyaux du style gothique dure de 1163 à 1345. Notre-Dame est un chef-d'oeuvre de l'art gothique. La cathédrale Notre-Dame, comme toute construction gothique, privilégie les arcs brisés, en forme d'ogive, les arcs boutants remplacent les contre-forts romanes, des croisées d'ogives remplacent les voûtes simples de l'art roman.  



Le Moyen-Âge européen est marqué par les croisades, expéditions militaires lancées pour la première fois à partir de 1096 (le premier appel à la croisade est lancé par le pape Urbain II à la fin du concile de Clermont le 27 novembre 1095). Les croisades sont des expéditions militaires à but religieux, en premier lieu pour les croisades orientales, libérer l’accès aux lieux saints de Palestine. 


Les croisades sont destinées à permettre le retours des chrétiens à Jérusalem (la ville est prise en 1099) elles amènent la création de principautés chrétiennes en Palestine et dans le Levant (le comté d’Édesse, de 1098 à 1146, la principauté d’Antioche, de 1098 à 1268, le comté de Tripoli, de 1102 à 1288 et le royaume de Jérusalem, de 1099 à 1291, et la Petite-Arménie 1138-1375).


Document 5. Un combat entre cavaliers Sarrasins (musulmans) et Croisés (chevaliers chrétiens) illustrant un manuscrit français du XIVe siècle (précisément le Roman de Godefroid de Bouillon).



Document 6. Carte des états latins (1099-1291)


La neuvième et dernière croisade quitte Aigues-Mortes le 1er juillet 1270, la flotte dirigée par Saint-Louis est rapidement décimée par la dysenterie et le roi meurt le 25 août 1270 à Tunis. En 1291 la ville de Saint-Jean d'Acre tombe aux mains des musulmans, c'est la fin de la présence des Croisés en Orient.


Les croisades sont destinés au Moyen-Orient, ou Levant, mais pas seulement, elles sont également dirigées contre les croyances hérétiques d’Europe (comme les henriciens ou les cathares du Sud de la France) et servent également la reconquête de l’Espagne (la "Reconquista", menée de 722 à 1492). 


Document 7. La Sainte-Chapelle (construite de 1241 à 1248 sur ordre du roi Saint-Louis) est l'autre grand chef-d'oeuvre parisien du gothique ici les voûtes à croisée d'ogives sont bien visibles. La Sainte-Chapelle est un monument religieux construit lors du règne de Saint-Louis (1214-1270), le roi souhaitait dans cette chapelle abriter les reliques de la crucifixion en sa possession, dont la couronne d'épines du Christ acquise au cours des Croisades.



Documentaire à voir pour aller plus loin 

Docteur ès lettres, ingénieur au CNRS, élève de Marc Bloch et de Lucien Febvre, la médiéviste Marguerite Gonon fut de l'école des Annales, dans ce documentaire explorant autant son histoire que l’Histoire, l'historienne explore le destin de gens du peuple et de jours ordinaires. 

https://www.youtube.com/watch?v=FbjxBdPK5Wo


Études de documents, les Croisades


Document 1. "The Westminster knight", un croisé représenté dans un recueil de psaumes anglais du XIIIe siècle. Encre et couleurs sur parchemin. Collection du British museum, Londres, Angleterre.




Document 2. L’appel du pape Urbain VII, lancé à Clermont le 27 novembre 1095.

Le contexte : à l'issue du concile de Clermont, le pape s'adresse aux évêques pour demander d'aller au secours des chrétiens orientaux. Cet appel a été retranscrit, plusieurs années après, par Foucher de Chartres, sans doute témoin de l'homélie (allocution religieuse).

Présent en Terre sainte en 1096, ce dernier est devenu le chapelain de Baudouin de Boulogne avant de mourir à Jérusalem en 1127. De 1100 à 1127, il a rédigé un récit de la première croisade, Historia Hierosolymitana, pour inciter les chevaliers occidentaux à se croiser. La croisade est conçue comme un pèlerinage pénitentiel pour racheter les chrétiens désunis, mais aussi comme un moyen de détourner la violence des chevaliers vers une lutte contre les "païens".

“ Ô fils de Dieu ! Après avoir promis à Dieu de maintenir la paix dans votre pays et d'aider fidèlement l'Église à conserver ses droits, et en tenant cette promesse plus vigoureusement que d'ordinaire, vous qui venez de profiter de la correction que Dieu, Dieu vous envoie. Vous allez pouvoir recevoir votre récompense en appliquant votre vaillance à une autre tâche. C'est une affaire qui concerne Dieu et qui vous regarde vous-mêmes, et qui s'est révélée tout récemment. Il importe que, sans tarder, vous vous portiez au secours de vos frères qui habitent les pays d'Orient et qui déjà bien souvent ont réclamé votre aide.

En effet, comme la plupart d'entre vous le savent déjà, un peuple venu de Perse, les Turcs, a envahi leur pays. Ils se sont avancés jusqu'à la mer Méditerranée (...) . Dans le pays de Romanie (Roumanie), ils s'étendent continuellement au détriment des terres des chrétiens, après avoir vaincu ceux-ci à sept reprises en leur faisant la guerre. Beaucoup sont tombés sous leurs coups ; beaucoup ont été réduits en esclavage. Ces Turcs détruisent les églises ; ils saccagent le royaume de Dieu.

Si vous demeuriez encore quelque temps sans rien faire, les fidèles de Dieu seraient encore plus largement victimes de cette invasion. Aussi je vous exhorte et je vous supplie – et ce n'est pas moi qui vous y exhorte, c'est le Seigneur lui-même – vous, les hérauts du Christ, à persuader chaque homme, à quelque classe de la société qu'il appartienne, chevaliers ou piétons, riches ou pauvres, par vos fréquentes harangues, de se rendre à temps au secours des chrétiens et de repousser ce peuple néfaste loin de nos territoires. Je le dis à ceux qui sont ici, je le mande à ceux qui sont absents : le Christ l'ordonne.

À tous ceux qui y partiront et qui mourront en route, que ce soit sur terre ou sur mer ou qui perdront la vie en combattant les païens, la rémission de leurs péchés sera accordée. Et je l'accorde à ceux qui participeront à ce voyage, en vertu de l'autorité que je tiens de Dieu.

Quelle honte, si un peuple aussi méprisé, aussi dégradé, esclave des démons, l'emportait sur la nation qui s'adonne au culte de Dieu et qui s'honore du nom de chrétienne ! Quels reproches le Seigneur Lui-même vous adresserait si vous ne trouviez pas d'hommes qui soient dignes, comme vous, du nom de chrétiens !

Qu'ils aillent donc au combat contre les infidèles – un combat qui vaut d'être engagé et qui mérite de s'achever en victoire –, ceux-là qui jusqu'ici s'adonnaient à des guerres privées et abusives, au grand dam des fidèles ! Qu'ils soient désormais des chevaliers du Christ, ceux-là qui n'étaient que des brigands ! Qu'ils luttent maintenant, à bon droit, contre les barbares, ceux-là qui se battaient contre leurs frères et leurs parents ! Ce sont les récompenses éternelles qu'ils vont gagner, ceux qui se faisaient mercenaires pour quelques misérables sous. Ils travailleront pour un double honneur, ceux-là qui se fatiguaient au détriment de leur corps et de leur âme. Ils étaient ici tristes et pauvres ; ils seront là-bas joyeux et riches. Ici, ils étaient les ennemis du Seigneur ; là-bas, ils seront ses amis !”

d’après Foucher de Chartres, Historia Hierosolymitana,

dans Recueil des historiens des croisades, historiens occidentaux. Cité par M. Balard, A. Demurger, P. Guichard dans Pays d'Islam et monde latin Xe-XIIIe siècles. Hachette, Paris, 2000

  1. Présentez dans un tableau les documents (Nature, Auteur, Date, Intérêt et Argument).
  2. Comment est vêtu et équipé le personnage dessiné dans le document 1?
  3. Dès lors de quel type d'homme s'agit-il, quel peut être son titre? De quelle classe sociale fait-il partie?
  4. Dans quelle position est représenté ce personnage? Que fait-il?
  5. En conclusion comment le qualifier?
  6. Document 2. À qui s’adresse le pape Urbain VII? En conclusion de quel événement majeur?
  7. Que sont chargés de faire ensuite les auditeurs du message du pape? 
  8. Quels sont les buts de la croisade pour le pape? 
  9. Que promet le pape aux croisés et à ceux qui les accompagneront? 
  10. Justifiez l’idée selon laquelle, pour Urbain VII, les croisades ont aussi un but de “pacification de l’Europe occidentale”.

IV - La fin du Moyen-Âge : vers la construction des Etats modernes.


L’ordre médiéval disparaît avec l’émergence des états modernes à partir du XVe siècle.


Plus le roi verra son pouvoir augmenter, plus les droits des seigneurs sur leurs fiefs iront en s’amenuisant.


Cette concentration des pouvoirs dans la main du roi seul, sera la marque de la formation de l’état moderne à partir du XVe siècle. Ainsi Machiavel dans Le Prince, utilise déjà l’expression “lo stato”, l’état, pour nommer l’état, un état distinct du souverain lui-même distingué de son peuple. Parallèlement le nom de « politique » est de plus en plus employé à partir du XVe siècle pour désigner les affaires de gestion des domaines royaux et princiers par analogie au mot grec “polis” (la cité). Le fief perd de son importance. La noblesse et le roi ne sont plus synonymes d'état. La naissance de l’État moderne marque vraiment la fin du Moyen-Âge.


Par ailleurs, en France, une grande épidémie (le peste noire) et une longue guerre (la guerre de Cent ans) vont marquer la fin du Moyen-Âge.


Ramenée de Crimée, où elle décime les rangs des armées mongoles, la peste est vraisemblablement venue en Europe via des marchands génois. De Gènes, suivant les routes marchandes et les routes de pèlerinage elle atteint Venise, puis Rome, puis la France et en quelques mois, toute l'Europe (particulièrement les grandes villes) est touchée. La peste est une maladie lié à une bactérie, ou bacille, qui peut infecte les poumons (le patient tousse alors jusqu'à cracher du sang et du pus), le sang (des hémorragies sous-cutanées marquent le corps de taches noires) et les ganglions lymphatiques (qui gonflent et éclatent). La létalité au Moyen-Âge de cette maladie très impressionnante est de 100%, tous les patients atteints par la peste en mourront. La peste frappe l’Europe et décime 30 à 50 % des Européens en cinq ans (1347-1352) faisant environ vingt-cinq millions de victimes.


Document 8. Une danse macabre du XVe siècle (début de la Renaissance italienne)



La peste frappe l’Europe et décime 30 à 50 % des Européens en cinq ans (1347-1352) faisant environ vingt-cinq millions de victimes.


L'autre événement majeur de la fin du Moyen-Âge pour la France est la guerre de Cent Ans (qui dure 116 ans de

1337, déclaration de la guerre à 1453, bataille de Castillon)

. La guerre démarre quand le roi d'Angleterre Edouard III revendique le trône de France en tant que fils d'Isabelle de France, la fille de Philippe IV "le Bel", roi de France et fils d'Edouard II, le roi d'Angleterre, alors que les grands féodaux réunis choisissent eux de porter sur le trône successivement Louis X le hutin, un frère du roi défunt, puis Philippe V (dit Philippe de Valois), le neveu de Philippe le Bel puis Philippe VI de Valois (le fils de Charles de Valois, l'un des fils de Philippe le hardi, second fils de Saint-Louis, Louis IX). La guerre est d'abord navale (bataille de l’Écluse en 1340), puis est marquée par des victoires anglaises comme la bataille de Crécy (1346) puis Calais en (1347). mais l'Angleterre ne pourra jamais exploiter ses victoires et dominer plus que la Guyenne et la Normandie, ses possessions légitimes. La guerre reprend néanmoins plusieurs fois à la faveur de crise politique en France, et la couronne de France est de nouveau menacée quand Jeanne d'Arc prend la tête de l'armée royale, libère Orléans, est victorieuse à Patay le 18 juin et permet le sacre du roi de France Charles VII à Reims le 17 juillet 1429. La bataille de Castillon (1453) lourde défaite anglaise assoupit le conflit qui reprend lorsque le roi d'Angleterre Edouard IV décide de s'allier au duc de Bourgogne Charles le Téméraire contre le roi de France Louis XI, mais le duc Charles est mis en déroute en Suisse et le roi d'Angleterre signe la paix à Picquigny le 29 août 1475. Le traité de Picquigny met fin aux prétentions anglaises sur le trône de France et met donc fin à la Guerre de Cent Ans. 

Document 9. Une miniature médiévale représentant la bataille de Crécy(victoire anglaise de 1346.

Document 10. Jeanne d’Arc sur le bûcher à Rouen en mai 1431.



Épidémies et guerres réduisent fortement la population de l'Europe occidentale tandis que l'Église catholique est divisée face à la Réforme. Néanmoins, les progrès artistiques, culturels et technologiques de la période sont durables. Ils ouvriront la fin de la période médiévale sur la Renaissance.


Thème 2 - Les régimes totalitaires dans les années 1930

I - La montée du fascisme et l'émergence du totalitarisme en Europe

Les espoirs de paix en Europe sont rapidement déçus après la signature de l'armistice entre les Alliés (ou Triple Entente) et l'ex Triple Alliance (ou Triplice) le 11 novembre 1918. Si les grands empires centraux sont bien démantelés suite à la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919 et des traités connexes concernant le sort de l'Empire ottoman et de l'Autriche-Hongrie, la guerre continue en Europe sous une forme larvée

En Allemagne, des groupes paramilitaires, les "corps francs" se battent à l'Est pour garantir la frontière du Reich contre une possible expansion polonaise. 

En Russie, la Révolution russe d'octobre 1917 débouche sur une guerre civile qui se poursuit jusqu'en 1921, date à laquelle l'Armée rouge (l'armée mise en place par le régime bolcheviks) triomphe des armées "blanches" (troupes fidèles au régime impérial du tsar). Le tsar a été exécuté dans l'Oural avec toute la famille impériale (le couple impérial et ses 5 enfants) le 17 juillet 1918, à 50 ans. La France et l'Angleterre, qui avaient pris le parti de lutter contre les Bolcheviks à partir de 1917 évacuent leurs dernières troupes en 1920.

En Allemagne le ressentiment est très fort. L'armée allemande est rentrée en Allemagne avec armes et bagages en 1918, le sol allemand n'a pas été marqué par le conflit et les régiments d'infanterie sont mobilisés pour lutter contre les insurrections communistes et socialistes comme celle menée par les Spartakistes à Berlin en janvier 1919. La fin de l'insurrection, le 15 janvier 1919, est marquée par l'assassinat par le lieutenant de cavalerie Vogel de la révolutionnaire et militante féministe Rosa Luxemburg. Son compagnon Karl Liebknecht est également assassiné.

En Allemagne comme en Italie, la violence politique devient la norme. Intimidations et assassinats politiques se multiplient. 

Rosa Luxemburg en 1915

Un exemple encore, de cette violence, en Allemagne, le 24 juin 1922 le ministre des affaires étrangères Wather Rathenau est assassiné dans sa voiture par des membres de l'organisation Consul. 

Étude de documents Walter Rathenau

Doc 1. portrait de Walter Rathenau vers 1922

Document 2. Stefan Zweig écrit sur Walter Rathenau en 1942:
 « Ses paroles coulaient comme s'il avait lu un texte écrit sur une feuille invisible et il donnait cependant à chacune de ses phrases une forme si accomplie et si claire que sa conversation, sténographiée, aurait constitué un exposé parfaitement propre à être imprimé tel quel. […] Il y avait dans sa pensée je ne sais quoi de transparent comme le verre et par là même d'insubstantiel. J'ai rarement éprouvé plus fortement que chez lui la tragédie de l'homme juif qui, avec toutes les apparences de la supériorité, est plein de trouble et d'incertitude. […] Toute son existence n'était qu'un seul conflit de contradictions toujours nouvelles. Il avait hérité de son père toute la puissance imaginable, et cependant il ne voulait pas être son héritier, il était commerçant et voulait se sentir artiste, il possédait des millions et jouait avec des idées socialistes, il était très juif d'esprit et lorgnait du côté du Christ. »

Document 3. Un journal berlinois s'étonne de l'attitude des ouvriers berlinois face à la nouvelle de son assassinat par le groupe secret paramilitaire Consul en 1922: 
« Le directeur d'une des plus grandes entreprises du monde avait été tué et des ouvriers communistes venaient pleurer sur sa tombe et maudire ses meurtriers. »

Document 4:  Hellmut von Gerlach, un journaliste pacifiste ami de Walther Rathenau parle de lui: 
« Bien que juif il a soutenu la campagne de guerre totale pendant la guerre 1914-1918. Grâce à lui et à sa politique l'armée allemande est sauvée et peu entraîner ses hommes en Russie suite à la signature des accords de Rapallo. Il est la réfutation vivante de la théorie antisémite qui veut que le judaïsme soit nocif pour l'Allemagne. »

1.Présentez les documents. 
2.Brossez le caractère de Walter Rathenau. De quel genre d'homme s'agissait-il? 
3.Comment a-t-il aidé à la reconstruction de l'armée allemande après l'armistice de 1918? 
4.Pourquoi son assassinat en 1922 est-il injuste en plus d'être criminel?
5.Finalement, pour quelle raison a-t-il été assassiné?

III. 1922-1939 : Une Europe fasciste? 

Entre la Première et la Deuxième Guerre mondiale, la majorité des pays d'Europe bascule dans l'autoritarisme, voire le totalitarisme. Ainsi en 1920, l'amiral Horthy, un militaire nationaliste, prend le pouvoir en Hongrie. Ou encore en 1926, en Pologne le Maréchal Pilsudski devient l'homme fort d'un régime autoritaire. Il gouverne sans partage. En Espagne, la guerre civile (1936-1939) amène au pouvoir le général Franco, qui gouverne au nom du roi d'Espagne quasi sans partage. Les démocraties sont jusqu'en 1945 minoritaires.

Mais qu'est-ce qu'un régime totalitaire?   


“Führer wir folgen dir. Alle sagen ja!” 

“Guide nous te suivons! Tout le monde dit oui!” affiche du début des années 1930.


1) Présentez le document.

2) Par quels moyens cette affiche met-elle en avant une dimension de fidélité quasi féodale au régime et même, au personnage d'Hitler?

3) En quoi ce phénomène est-il inquiétant pour la suite démocratie (la République de Weimar) en Allemagne?


“En avant, pour la victoire du communisme!” 


1) Présentez le document.

2) Quel personnage est mis en avant ici et comment?

3) Peut-on rapprocher cette affiche de l'affiche précédente? Pourquoi?


Définition:

Un régime totalitaire est un régime politique basé sur le contrôle le plus complet possible et l’encadrement le plus strict possible de ses citoyens. Les régimes totalitaires sont caractérisés par l’affirmation d’un parti unique, qui n'admet aucune opposition, et dont l'État (dont l’expression est de plus en plus totale dans la société) tend à confisquer la totalité des activités publiques et privées de la société. 


Enfin, l’ambition de l’état totalitaire est de tendre à contrôler l’ensemble des champs sociaux (économie, culture, organisation de la société) jusque dans la sphère privée (famille, religion). Pour y parvenir, les régimes totalitaires tendent à supprimer toute expression qui leur est opposée, ou étrangère. 


D’où vient l’expression régime totalitaire? Quand apparaît-elle?


L’expression s’impose après la Seconde Guerre Mondiale lorsque la philosophe Hannah Arendt publie Les Origines du totalitarisme, en 1951 (The Origins of Totalitarianism). Le but du mot “totalitarisme” est de mettre en évidence combien les régimes totalitaires n’ont pas seulement comme objectif de s’exprimer et de contrôler la sphère publique politique comme sociale mais aussi la sphère privée (familiale et intime). Pour Hannah Arendt, les états totalitaires ont à cœur de quadriller progressivement toute la société et tout le territoire, en imposant à tous les citoyens, jeunes comme âgés, l'adhésion à une idéologie obligatoire, hors de laquelle tout individu est considéré comme ennemi de l’état et du peuple. 


Hannah Arendt exilée à Paris en 1933 (tourmentée, cigarette en main)


Hannah Arendt (à la cool, couchée sur sa moquette) en 1944, émigrée aux États-Unis.


Hannah Arendt à la fin des années 1960. (FUMER C'EST MAL mais c'est pour le style)


Deux régimes constituent pour Hannah Arendt les régimes totalitaires les plus absolus : L’URSS de Staline et l’Allemagne nazi.


Quels sont pour Hannah Arendt les processus ou facteurs d’installation du totalitarisme? 


Hannah Arendt appuie sa théorie sur plusieurs concept : 

  • La dynamique : le régime totalitaire tend à circonscrire la société et à se construire progressivement par des actions et des mobilisations plurielles (journées à thèmes dans l’Allemagne nazi comme la journée de la famille aryenne ou “front du travail”, meetings de Nuremberg, en URSS les différentes campagnes de mobilisation de la jeunesse, les grands défilés).

  • La dictature d’un parti unique (parti communiste en URSS et parti nazi en Allemagne). 

  • La désignation et la lutte contre un ennemi (réel ou supposé) : juifs en Allemagne et “koulaks” (riches fermiers), capitalistes et anti-communistes en URSS.

  • Les purges. Polices politiques (“Gestapo” “Geheime Staatspolizei” en Allemagne et NKVD “Naródnyy Komissariát Vnútrennikh Del” en URSS) sont chargées de traquer et d'éliminer les ennemis réels ou supposés de l’état totalitaire.

  • Le rêve d’un pays ou d’un monde remodelé par l’idéologie : “victoire mondiale du communisme et dictature du prolétariat” pour l’URSS et “Reich millénaire épuré” pour la doctrine nazie. 

  • L’omniprésence de la bureaucratie. Les représentants élus ne sont plus au centre de la vie politique. Les administrations publiques, entièrement et directement dépendante du chef suprême enflent, deviennent redondantes, et constituent petit à petit le coeur de l'administration du régime (SA puis SS en Allemagne, NKVD, KGB et komsomols en URSS). 

  • La politique de la peur. La population est invitée à dénoncer les opposants, supposés ou réels dont la traque et les jugements sont mis en scène. Opposants ou suspects sont regroupés dans des camps (“goulags” “Glavnoe Upravlenie Lagerei” en URSS, camps de concentration et d’extermination en Allemagne nazie).  


Quelles chronologies pour l’installation des totalitarismes européens? 


A - En Italie.


Au sortir de la Première Guerre mondiale le traité de Versailles n'a pas donné satisfaction à l'État italien. Si l'Italie a obtient le Sud-Tyrol ainsi qu'une partie de l'Istrie, Fiume et l'Albanie promises à l’entrée en guerre ne lui sont pas données. La guerre a épuisé l’économie italienne. La lire (monnaie italienne) a dévissé et le coût de la vie a été multiplié par quatre. La révolte agraire gronde. 


Prémices du fascisme en septembre 1919. En septembre 1919 le poète Gabriele d'Annunzio encourage les régiments italiens voisins de Fiume (aujourd'hui Rijeka, en Croatie) à envahir la ville pour provoquer son rattachement à l’Italie. Fiume est occupé par des troupes italiennes, françaises, britanniques et américaines depuis l’armistice de novembre 1918. La ville de Fiume est à l'époque majoritairement italophone, mais ses faubourgs et son arrière-pays sont peuplés de slovènes et de croates. Les grandes puissances refusent cette quasi-annexion, les États-Unis, par leur président Woodrow Wilson (l’homme des “14 points”) rejette les demandes d'annexion du gouvernement italien, représenté par le président du Conseil Vittorio Emanuele Orlando un statut de ville libre est proposé mais le poète Gabriele d'Annunzio encourage le premier ministre Orlando, en installant un gouvernement révolutionnaire pro-rattachement. Les fascistes sympathisent immédiatement avec les “arditis” de d’Annunzio mais leur intervention échoue car la pression internationale entraîne l'intervention de l'armée régulière italienne en Noël 1920 (c’est le Noël sanglant qui s’achèvent par la morts de 54 morts, dont 22 rebelles). 


Cette action sera un exemple pour le mouvement fasciste qui ont soutenu d’Annunzio et reprendront la “chemise noire” de l'uniforme des “arditis” de Gabriele d’Annunzio. 


Parallèlement le mouvement fasciste se fédère. En mars 1919 deux réunions populaires consacre la création de phalanges les “Faisceaux de combats”, d’abord “faisceaux de combat milanais”, qui deviennent fin mars les “faisceaux de combat italiens”. Le programme fasciste naissant se propose comme : nationaliste, réactionnaire, pro-ordre mais aussi économiquement interventionniste. Benito Mussolini est alors influencé par Michele Bianchi, ancien socialiste proches d’anarchistes et favorable à l’interventionnisme économique. 


En 1920 le mouvement fasciste s’affirme clairement et définitivement comme “pro-ordre”, les chemises noires (membres actifs et armés du parti fasciste) regroupées en “squadre d'azione” (“escouades d’action”)  mettent à sac le journal socialiste Avanti! (avec lequel Michele Bianchi avait collaboré). Dans les campagnes les chemises noires aident à l’écrasement des révoltes agraires dans la plain du Pô (en Émilie-Romagne). De grands industriels et propriétaires financent alors les “squadre” qui participent à mater l'agitation socialiste.  


Plusieurs lois sont favorables aux chemises noires. On peut citer la « circulaire Bonomi », qui garantit les 4/5 de leur solde aux 50 000 officiers démobilisés qui souhaiteraient rejoindre les faisceaux.

Le gouvernement soutient les fascistes. Quand les villes de Ravenne et Bologne élisent des maires de gauche les squadristes s’opposent aux nominations, les “gardes rouges” socialistes prennent aussi les armes et des émeutes éclatent. Le 21 novembre 1920 elles font 11 morts à Bologne en Émilie et en Romagne (plaine du Pô). 


En 1921 et 1922 les violences continuent. Si les fascistes entre au parlement italien les socialistes deviennent puissants. Un équivalent au “chemises noires” voit le jour à gauche, les “arditi del popolo”. Ces milices antifascistes règnent à Bologne et dans les quartiers populaires d’Italie du Nord. En réponse, le gouvernement appuie l’abandon des poursuites judiciaires contre les fascistes.  Mais Benito Mussolini, simple parlementaire ne peut appliquer son programme politique, les députés fascistes sont minoritaires aux élections de 1921, s’ils sont inclus à l’alliance au pouvoir ils ne dominent pas le gouvernement. 


En réaction à la création d’un gouvernement d’alliance à droite. La grève générale est promulguée par les organisations ouvrières. Les fascistes aident à briser la grève partout en Italie sauf à Parme plusieurs dizaines de squadristes sont tués. Prenant prétexte de l’insurrection à Parme, les fascistes décident de marcher sur Rome. 


L’armée est assez puissante pour écraser les marcheurs et Benito Mussolini craignant le bain de sang reste calfeutré à Milan, prêt à fuir en Suisse.

Pourtant, Victor-Emmanuel II refuse d’utiliser la violence et reçoit les marcheurs. Le 30 octobre 1922, le roi charge Benito Mussolini de former le nouveau gouvernement. Le chef du fascisme Benito Mussolini quitte Milan pour Rome, pour devenir Premier ministre à Rome. 


Des marcheurs à Rome en 1922.


Benito Mussolini vers 1920 avec l’état-major squadriste. 


Par les chemins noirs, une bande-dessinée de David B. dont l’action se déroule dans Fiume insurgée.


Un régime politique autoritaire est un régime politique qui par divers moyens (comme la propagande, l’encadrement de la population, et la répression des opposants) cherche la soumission et l'obéissance de la société. Mais sans intervenir dans les champs privés et sans atteindre les degrés d’encadrement et de répression du totalitarisme.


Comme éléments de l’autoritarisme fasciste on peut citer les lois fascistissimes de 1926 qui rendent illégale toute opposition : les autres partis politiques sont interdits, leurs députés sont déchus, la presse est censurée, une police secrète, l’OVRA (Organisation de vigilance et répression de l'antifascisme), est instaurée.

Mais l’Italie fasciste n’atteindra jamais le degré de répression visible en Allemagne ou en URSS.  


Et par exemple, si l’Italie fasciste est antisémite, elle ne met en place de déportation que dans le Nord occupée par les troupes allemandes et à partir de 1943 seulement.



B - L’ascension hitlérienne en Allemagne.


Si l’armée allemande est bien vaincue en France et qu’un armistice est signé le 11 novembre 1918, l’armée allemande reste puissante. Elle n’est pas désarmée au front et les soldats allemands qui reviennent au pays à partir de 1918 ont encore les armes à la main et on assiste à la même “brutalisation” de la société qu’en Italie.

C’est un pays en révolution qui les accueille. Le 9 novembre 1918, la République de Weimar a été proclamée et la révolution communiste gronde. Le 23 novembre 1918, puis du 5 janvier au 12 janvier 1919, lors la révolution spartakiste qui secoue Berlin avec à sa tête, en autres, les leaders socialistes Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, le chancelier Friedrich Ebert social-démocrate (qui dirige le Conseil des commissaires du peuple, le gouvernement né de la Révolution allemande de novembre 1918 qui avait abouti à la proclamation de la république) n’hésite pas à faire appel à l’armée pour mater la révolte. Par ailleurs, socialistes, anarchistes et communistes sont divisés. Si Karl Liebknecht est favorable à une révolution violente, l’autre dirigeant de la ligue spartakiste, Rosa Luxembourg souhaite encore négocier avec le chancelier Ebert.


Face à la Révolution naissante, Friedrich Ebert n’hésite pas à faire appel à l’armée et aux corps francs (des unités militaires autonomes, irrégulières) pour écraser le mouvement révolutionnaire. L’armée devient ainsi, dès 1919, l’arbitre du pouvoir, elle qui sort d’une guerre de 4 ans.

 

Une voiture blindée et ses occupants membres des corps-francs dans une rue de la capitale allemande, Berlin, en 1919.


L’Allemagne est appauvrie, le déficit public est colossal après la guerre et le déficit budgétaire atteint 6,5 milliards de dollars. 


Mais la République est instable et n’a pas le soutien des forces de l’ordre et de l’armée. Ainsi plusieurs coups de force d’extrême-droite déstabilisent le pouvoir allemand : on peut citer le putsch de Wolfgang Kapp en 1920, l’assassinat le 24 juin 1922 du ministre des Affaires étrangères Walter Rathenau par l'Organisation Consul, un groupe terroriste d'extrême droite opposé à sa volonté de rapprochement avec les Alliés. La pression d’extrême-droite est constante, une armée clandestine, la « Reichswehr noire », qui va rassembler plus de 20 000 hommes, tente un putsch octobre 1923 qui échoue, maté de justesse par l’armée régulière. Enfin, le mois suivant a lieu une nouvelle tentative contre la république à Munich en Bavière : le putsch de la brasserie Bürgerbräukeller (“La cave à bières du citoyen”) fomenté par Adolf Hitler dirigeant du NSDAP (parti nazi) fondé en 1919. Malgré l'échec du putsch, l’emprisonnement d’Hitler et l’interdiction temporaire de son parti, le NSDAP fondé en 1920 deviendra au cours des années 1920 l'une des principales forces politiques de la République de Weimar, avant d’amener sa fin.


Hitler en “lederhose” (culotte de peau) vers 1926 (c'est cocace)


Hitler en short en 1927 (cocasse encore #naziromantic)


Après la crise économique liée à l’hyperinflation en 1923 l’économie l’Allemagne se redresse, mais une nouvelle crise économique frappe le pays en 1929. La crise allemande a largement pour cause le retrait des capitaux étrangers et en premier lieu américain du pays après le début de la crise de 1929 (la bourse américaine “dévisse” le 24 octobre 1929, c’est le “jeudi noir”, dès les jours suivants les grandes banques américaines commencent à rappatrier leurs capitaux). 


En Allemagne, le taux de chômage atteint en 1932 plus de 25 % de la population active du pays. Comme en France, le gouvernement allemand du chancelier Brüning choisit une politique de déflation : les loyers sont réglementés à la baisse, les salaires sont baissés, les dépenses publiques diminuées de 25 %, les salaires des fonctionnaires de 10 %, l’allocation chômage est baissée de 14 %, les impôts sont augmentés de 15 %, de nouvelles taxes sur le tabac, le sucre ou encore la bière sont votées, ce qui mécontente au final l’ensemble de la population et aggrave la récession. Et si l’Angleterre et la France peuvent compter sur leurs empires coloniaux pour garantir un minimum d’exportation à leurs économies métropolitaines ce n’est pas le cas de l’Allemagne qui ne peut bénéficier de cette politique dite de “préférence impériale” son empire colonial ayant été liquidé en 1918 par les puissances alliées victorieuses. La colère populaire gronde en Allemagne. Alors que le président Paul Von Hindenburg gouverne de plus en plus par décrets et se refuse à appliquer la constitution de la République de Weimar le pays s’enfonce dans la crise. C’est le moment où les grandes familles industrielles allemandes décident de soutenir Hitler pour en finir avec les gouvernements conservateurs nommés par Hindenburg et incapables d’apporter des réponses aux problèmes économiques du pays. 


En effet Hitler a effectué un an de prison après le putsch manqué de la “brasserie” (qu’il qualifiera lui-même “d’année d’études payée par la République”) au cours duquel il a mis en ordre son idéologie raciste, antisémite, nationaliste et autoritaire et repensé l’organisation du NSDAP dans son ouvrage “Mein Kampf” (“Mon Combat”). C’est le virage réactionnaire et autoritaire du parti nazi, qui le voit rompre avec ses objectifs socialistes (pourtant encore présents dans le nom du parti). 


Par exemple, en 1929, il prend position en faveur de l’indemnisation des anciens princes allemands et pour le respect de l’ordre et des traditions rurales. Ce virage conservateur du NSDAP est remarqué et même appuyé par de riches financiers et industriels allemands qui le soutiennent désormais et le financent comme les familles Krupp ou Thyssen, qui souhaitent soutenir un homme proche du peuple, susceptible d’être élu, mais antiinternationaliste et anticommuniste et qui ne menacera pas la propriété privée. Ainsi, si Hitler ne représente que 2% des voix aux élections de 1928 le parti nazi obtient 18,3% des votes aux élections de 1930 puis 37,4% aux élections de 1932, puis “seulement” 33,1% aux élections de novembre 1932.


Et c’est malgré ces résultats en baisse qu’Hitler, après un mois de tractation, est appelé par le président Paul Von Hindenburg pour devenir chancelier du Reich: le 30 janvier 1933.   


 

Les scores nazis aux différentes élections de 1924 à 1933.


Intimidations des SA lors des législatives de mars 1933 (Votez pour nous, ou...)


Dès le 1er février, Adolf Hitler fait dissoudre le parlement allemand, le Reichstag par le président Paul Von Hindenburg. Lors de la campagne électorale qui précède les élections de mars 1933, les SA (le Sturmabteilung “détachement tempète” dirigé par Ernst Röhm et formé dès 1920 est la première milice du parti nazi, initialement chargée de la sécurité des meetings elle devient une force d’intimidation dans les années 1920 et participe au putsch de la brasserie)  et les SS (Schutzstaffel ou “section de protection” créée en 1925 la SS est chargée de protéger les dirigeants du parti, de fait, sous la direction de Himmler elle devient une milice nazi entièrement inféodée au Fürher, bien plus maléable que l’ancienne SA), les deux milices du parti nazi, reçoivent des pouvoirs d'auxiliaires de la police et intimident les électeurs. Les réunions des Parti communiste (KPD), Parti social-démocrate (SPD) et des autres partis d'opposition sont émaillées d’incidents provoqués par les nazis, les opposants du NSDAP sont brutalisés, assassinés. Pour marquer les esprits : SA, SS, et jeunesses hitlériennes multiplient défilés et retraites nocturnes aux flambeaux.

Dans la nuit du 27 au 28 février 1933 survient l'incendie du Reichstag. S’appuyant sur une possible responsabilité communiste Adolf Hitler fait adopter par le président Hindenburg le « décret pour la protection du peuple allemand » ou Reichstagsbrandverordnung qui supprime toutes les libertés individuelles garanties par la Constitution de la Répubique de Weimar. Également, Paul Von Hinderburg légalise par décret la Schutzhaft ou « détention de protection » qui permet d'arrêter et d'emprisonner sans aucun contrôle ni limite de temps un suspect.

En à peine un mois la démocratie est détruite en Allemagne, plus de 10 000 communistes sont arrêtés en Prusse, dont le chef du parti communiste, Ernst Thälmann. À l’été 1933 ce sont 200 000 personnes qui sont internées, entre 7000 et 9000 seront tuées. De nombreux militants de gauche fuient l’Allemagne.

De nombreuses figures allemandes s'exilent, comme Thomas Mann, Bertolt Brecht et Albert Einstein dès 1933. Les premiers camps de concentration nazis provisoires apparaissent pour internés les militants communistes, socialistes, et sociaux-démocrates. Le 20 mars 1933, moins d’un mois après l’incendie du Reichstag Heinrich Himmler, le chef de la SS et des polices du Reich, inaugure le premier camp de concentration (de Dachau près de Munich en Bavière). En 1937 c’est au camp de Buchenwald d’ouvrir ses portes et en 1939 le camp féminin de Ravensbrück est inauguré. En 1939, sept camps existent : Dachau, Sachsenhausen (1936) au nord de Berlin, Buchenwald (1937) près de Weimar, Neuengamme (1938) près de Hambourg, Flossenbürg (1938), Mauthausen (1938) et Ravensbrück (1939). Ils remplacent les multiples camps locaux et prisons politiques ouverts à la suite de la répression démarré en février 1933. En 1934, après la mort du président du Reich Paul von Hindenburg, Hitler prend officiellement le titre de Führer, et en 1935 le drapeau nazi devient l'unique drapeau national de l'Allemagne.

Des sections SA (Sturmabteilung) défilent dans Dortmund en 1933 (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). La démocratie allemande est déjà mise au pas.


C L’URSS de Staline


Staline fumant sa pipe Dunhill dans les années 1930


Joseph Staline est né le 18 décembre 1878 à Gori au coeur de l’actuelle Géorgie (à l’époque province de l’Empire Russe) sous le nom de Iossif Vissarionovitch Djougachvili, son premier surnom “Sosso” est d’ailleurs le diminutif de Iossif. Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), auquel il adhère en 1898. Sa mère, très pieuse, finance les études nécessaires pour que Iossif devienne prêtre orthodoxe. Mais le jeune Iossif, de plus en plus athé, quitte le séminaire sans passé son diplôme en 1899. Militant social démocrate il est arrêté plusieurs fois pour agitation politique. En 1903 il est envoyé en Sibérie pour trois ans. Staline s’échappe et démarre une vie de brigandage au service du POSDR. De plus en plus radical dans ses positions il rejoint bientôt le courant “bolchevique” du POSDR. En 1905 il ne participe pas à la première tentative de renversement du tsar. Il rencontre Lénine, Kalinine et Molotov entre la Russie et la Finlande. Il est présent au congrès fondateur du Parti Communiste Russie à Prague en 1912. À l’aube de la Première Guerre Mondiale Iossif prend de surnom de “Staline”, l’homme d’acier. 

Rédacteur de la Pravda et membre de la cellule pétersbourgeoise du parti communiste russe il soutient le gouvernement du socialiste Kerenski après la révolution de février 1917 avant de rallier les thèses d’avril de Lénine. Staline s’impose comme l’homme de confiance de Lénine. Lors de son exil en Finlande (en juillet 1917) Staline l’escorte et va jusqu’à le dissimuler. Il transmet nombre de ses communications aux autres responsables bolcheviks. 

C’est après la révolution d’octobre 1917 et la prise du pouvoir par les bolcheviks que Staline s’impose comme un homme fort du régime. Commissaire bolchevique à Tsaritsyne (future Stalingrad) il n’hésite pas à faire massacrer ses opposants et à rejeter toute difficulté sur d’éventuels “saboteurs” plus ou moins réels. Par ailleurs il se rapproche de la Tchéka (acronyme de “чрезвычайная комиссия” “tchrezvitchaïnaya komissia” “comission extraordinaire”) et de son dirigeant Félix Dzerjinski à qui il confira l’éducation de sa fille et l’encadrement de sa femme. 

Contrairement à Trotski qui recycle d’anciens cadres tsaristes dans ses unités, Staline n’apporte sa confiance pendant la guerre civile russe (1917-1921) qu’à son entourage ou qu’à des militants communistes irréprochables. 

Ayant toute la confiance de Lénine, Staline devient en 1922, secrétaire général du Comité central du Parti communiste russe. À la mort de Lénine en 1924, il écarte ses rivaux politiques, comme Trotsky, contraint à l’exil.

S'appuyant sur la bureaucratisation croissante du régime et la toute-puissance de l’appareil policier, Tchéka remodelé en Guépéou (“Государственное политическое управление” “Gossoudarstvénnoïe polititcheskoié oupravlénié ou en français “Direction politique d’État” entre 1922 et 1934) puis en NKVD (НКВД, acronyme de Народный комиссариат внутренних дел, Narodniï Komissariat Vnoutrennikh Diel ou Commissariat du peuple aux Affaires intérieures entre 1934 et 1946) et enfin KGB (КГБ acronyme de Komitet gossoudarstvennoï bezopasnosti en russe Комитет государственной безопасности jusqu’à la fin de l’URSS en 1991) il prend la tête de l’URSS et y impose progressivement un pouvoir personnel absolu et transforme l'URSS en un État totalitaire à partir de la fin des années 1920. 

En effet, chef du parti communiste il nomme et fait nommer ses fidèles au postes clefs du régime, discréditant l’aile gauche puis l’aile droite du Parti Communiste de l’Union soviétique. En 1929 Staline met fin à la NEP (politique autorisant un capitalisme limité en URSS). Ainsi au pas de charge démarrent la collectivisation des terres (1929-1933) et la collectivisation de l’industrie (1929-1934 avec le premier GOSPLAN). 


Affiche célébrant la quatrième année du premier plan quinquennal. 


Le Stalinisme s’il s’impose dans un pays communiste déjà autoritaire fait basculer l’URSS dans le totalitarisme :  culte de la personnalité construit autour de la personne du guide héritier de Lénine, recours incessant à la propagande, secret systématique autour de ses faits et gestes, et travestissement de la réalité par la falsification des livres ou des photographies, la dénonciation délirante de complots et de sabotages, l’organisation de procès sur des dossiers entièrement truqués (comme le général Mikhaïl Toukhatchevski, héro de la guerre russo-polonaise de 1919-1920, condamné grâce à de faux documents réalisés avec l’aide de l’Allemagne lors des Grands Procès de Moscou (1936-1938)), la liquidation physique d’adversaires politiques, de dissidents ou de personnalités tombées en disgrâce en font un modèle de dirigeant totalitaire. 

 

Staline, avant 1914, jeune révolutionnaire. 


Différentes versions d’une photographie retouchée après les différentes purges. Nikolaï Antipov (tombé en disgrâce et exécuté à l’été 1938), Serguei Kirov (un membre apprécié du Politburo assassiné en 1934 dans des conditions mystérieuses) et Nikolaï Chvernik (chef de syndicat) disparaissent de la photographie.


La construction du chemin de fer Salekhard–Igarka en Sibérie par des prisonniers du Goulag. 

 

En 1939, le camp des démocraties est donc minoritaire en Europe, l'immense majorité du peuplement européen est inféodée à des régimes autoritaires (Pologne, Hongrie, Italie) voire totalitaire (Allemagne, URSS).