Société, Église et pouvoir politique dans l'occident féodal (XIe-XVe siècles) L'ordre seigneurial : la formation et la domination des campagnes.

I - L’Europe au Moyen-Âge : les perfectionnements agricoles.

Après l'an mil s'ouvre la période que l’historiographie nomme le Moyen Âge central.


Cette période est marquée par l'augmentation de la population européenne et par l'instauration de l'ordre féodal.


Si la population européenne augmente fortement c'est grâce à des innovations techniques agricoles qui favorisant les rendements comme la généralisation de la traction animale, le perfectionnement des socs de charrues ou l'invention du chariot directionnel.


Document 1. Une charrue, dans les Très Riches Heures du duc de Berry, miniature du mois de mars, années 1440, musée Condé, Chantilly


1. Décrivez l'enluminure.

2. D'où provient-elle? Que sont "Les très riches heures du duc de Berry"?

3. D'après vous, ce type d'équipement à soc métallique et traction par deux boeufs était-il accessible à tous les paysans? Pourquoi?


Également, on remplace les moulins à bras et à traction animal par des moulins à eau, plus puissants.


Et enfin avec la mise en place de l’assolement triennal, l'accroissement des rendements agricoles devient général en Europe. 


II - La société s’organise durablement selon l’ordre féodal.


Le royaume de France est divisé en duchés, comtés et marquisats, eux-mêmes divisés baronnies et seigneuries depuis l'empire carolingien. Mais si sous Charlemagne (couronné en l'an 800), les seigneurs sont révocables par la couronne, les charges féodales deviennent rapidement héréditaires sous ses descendants comme Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne, qui invite dans le capitulaire de Mersen (847) les Grands de l'Empire carolingien à entrer en vassalité.


Chaque seigneur, dans son fief, est le vassal d’un suzerain, auquel il doit soutien et obéissance. Le lien féodovassalique se compose de deux éléments : d'abord un lien personnel qui unit le seigneur et le vassal et enfin un lien réel qui trouve son origine dans le fief concédé.


Les paysans, libres ou serviles (les serfs, attachés à une terre) cultivent la terre pour le compte des nobles, en charge de la défense du territoire et de la justice rurale déléguée. 


La petite noblesse, constituée de chevaliers, sert chaque année dans l'armée du suzerain en échange du droit de conserver les revenus récoltés dans leur fief.


Document 2. Le château de Beynac dans la vallée de la Dordogne, une forteresse française du XIIIe siècle

 


QUESTIONS : 
1.Légendez l'image en indiquant: 
A-Le donjon (grande tour centrale seigneuriale) 
B-Les remparts (ou murailles)
C-Les créneaux (sommets crénelés des murailles)
D-Les meurtrières (fentes pour archer percées dans les murs)
E-Les mâchicoulis (planchers percés visibles le long de certains chemins de ronde, placés souvent au-dessus des portes ils permettaient de lancer des objets sur les assaillants) 
F-L'emplacement de la barbacane (entrée fortifiée, ici elle est cachée par la forêt mais l'on devine son emplacement grâce à une tourelle visible)
G-La chapelle
2.Pourquoi le château-fort de Beynac un lieu de pouvoir double, politique (on dit aussi "temporel") et religieux (on dit aussi "spirituel")? 

III - Architecture sacrée et Croisades.


Document 3. Deux photographies de l'église romane de Laurenque, près de Gavaudun dans le Lot-et-Garonne. A-Le portail de l'église, B-L'église vu du Sud (clocher, cœur et nef sont visibles).



L'architecture romane est caractérisée par l'utilisation de voûtes en berceau de plein-cintre (c'est-à-dire que toutes les arches, tous les arcs des voûtes, comme les fenêtres sont coiffés par des demi-cercles). 


Document 4. Notre-Dame à Paris, le chantier de cette cathédrale, joyaux du style gothique dure de 1163 à 1345. Notre-Dame est un chef-d'oeuvre de l'art gothique. La cathédrale Notre-Dame, comme toute construction gothique, privilégie les arcs brisés, en forme d'ogive, les arcs boutants remplacent les contre-forts romanes, des croisées d'ogives remplacent les voûtes simples de l'art roman.  



Le Moyen-Âge européen est marqué par les croisades, expéditions militaires lancées pour la première fois à partir de 1096 (le premier appel à la croisade est lancé par le pape Urbain II à la fin du concile de Clermont le 27 novembre 1095). Les croisades sont des expéditions militaires à but religieux, en premier lieu pour les croisades orientales, libérer l’accès aux lieux saints de Palestine. 


Les croisades sont destinées à permettre le retours des chrétiens à Jérusalem (la ville est prise en 1099) elles amènent la création de principautés chrétiennes en Palestine et dans le Levant (le comté d’Édesse, de 1098 à 1146, la principauté d’Antioche, de 1098 à 1268, le comté de Tripoli, de 1102 à 1288 et le royaume de Jérusalem, de 1099 à 1291, et la Petite-Arménie 1138-1375).


Document 5. Un combat entre cavaliers Sarrasins (musulmans) et Croisés (chevaliers chrétiens) illustrant un manuscrit français du XIVe siècle (précisément le Roman de Godefroid de Bouillon).



Document 6. Carte des états latins (1099-1291)


La neuvième et dernière croisade quitte Aigues-Mortes le 1er juillet 1270, la flotte dirigée par Saint-Louis est rapidement décimée par la dysenterie et le roi meurt le 25 août 1270 à Tunis. En 1291 la ville de Saint-Jean d'Acre tombe aux mains des musulmans, c'est la fin de la présence des Croisés en Orient.


Les croisades sont destinés au Moyen-Orient, ou Levant, mais pas seulement, elles sont également dirigées contre les croyances hérétiques d’Europe (comme les henriciens ou les cathares du Sud de la France) et servent également la reconquête de l’Espagne (la "Reconquista", menée de 722 à 1492). 


Document 7. La Sainte-Chapelle (construite de 1241 à 1248 sur ordre du roi Saint-Louis) est l'autre grand chef-d'oeuvre parisien du gothique ici les voûtes à croisée d'ogives sont bien visibles. La Sainte-Chapelle est un monument religieux construit lors du règne de Saint-Louis (1214-1270), le roi souhaitait dans cette chapelle abriter les reliques de la crucifixion en sa possession, dont la couronne d'épines du Christ acquise au cours des Croisades.



Documentaire à voir pour aller plus loin 

Docteur ès lettres, ingénieur au CNRS, élève de Marc Bloch et de Lucien Febvre, la médiéviste Marguerite Gonon fut de l'école des Annales, dans ce documentaire explorant autant son histoire que l’Histoire, l'historienne explore le destin de gens du peuple et de jours ordinaires. 

https://www.youtube.com/watch?v=FbjxBdPK5Wo


Études de documents, les Croisades


Document 1. "The Westminster knight", un croisé représenté dans un recueil de psaumes anglais du XIIIe siècle. Encre et couleurs sur parchemin. Collection du British museum, Londres, Angleterre.




Document 2. L’appel du pape Urbain VII, lancé à Clermont le 27 novembre 1095.

Le contexte : à l'issue du concile de Clermont, le pape s'adresse aux évêques pour demander d'aller au secours des chrétiens orientaux. Cet appel a été retranscrit, plusieurs années après, par Foucher de Chartres, sans doute témoin de l'homélie (allocution religieuse).

Présent en Terre sainte en 1096, ce dernier est devenu le chapelain de Baudouin de Boulogne avant de mourir à Jérusalem en 1127. De 1100 à 1127, il a rédigé un récit de la première croisade, Historia Hierosolymitana, pour inciter les chevaliers occidentaux à se croiser. La croisade est conçue comme un pèlerinage pénitentiel pour racheter les chrétiens désunis, mais aussi comme un moyen de détourner la violence des chevaliers vers une lutte contre les "païens".

“ Ô fils de Dieu ! Après avoir promis à Dieu de maintenir la paix dans votre pays et d'aider fidèlement l'Église à conserver ses droits, et en tenant cette promesse plus vigoureusement que d'ordinaire, vous qui venez de profiter de la correction que Dieu, Dieu vous envoie. Vous allez pouvoir recevoir votre récompense en appliquant votre vaillance à une autre tâche. C'est une affaire qui concerne Dieu et qui vous regarde vous-mêmes, et qui s'est révélée tout récemment. Il importe que, sans tarder, vous vous portiez au secours de vos frères qui habitent les pays d'Orient et qui déjà bien souvent ont réclamé votre aide.

En effet, comme la plupart d'entre vous le savent déjà, un peuple venu de Perse, les Turcs, a envahi leur pays. Ils se sont avancés jusqu'à la mer Méditerranée (...) . Dans le pays de Romanie (Roumanie), ils s'étendent continuellement au détriment des terres des chrétiens, après avoir vaincu ceux-ci à sept reprises en leur faisant la guerre. Beaucoup sont tombés sous leurs coups ; beaucoup ont été réduits en esclavage. Ces Turcs détruisent les églises ; ils saccagent le royaume de Dieu.

Si vous demeuriez encore quelque temps sans rien faire, les fidèles de Dieu seraient encore plus largement victimes de cette invasion. Aussi je vous exhorte et je vous supplie – et ce n'est pas moi qui vous y exhorte, c'est le Seigneur lui-même – vous, les hérauts du Christ, à persuader chaque homme, à quelque classe de la société qu'il appartienne, chevaliers ou piétons, riches ou pauvres, par vos fréquentes harangues, de se rendre à temps au secours des chrétiens et de repousser ce peuple néfaste loin de nos territoires. Je le dis à ceux qui sont ici, je le mande à ceux qui sont absents : le Christ l'ordonne.

À tous ceux qui y partiront et qui mourront en route, que ce soit sur terre ou sur mer ou qui perdront la vie en combattant les païens, la rémission de leurs péchés sera accordée. Et je l'accorde à ceux qui participeront à ce voyage, en vertu de l'autorité que je tiens de Dieu.

Quelle honte, si un peuple aussi méprisé, aussi dégradé, esclave des démons, l'emportait sur la nation qui s'adonne au culte de Dieu et qui s'honore du nom de chrétienne ! Quels reproches le Seigneur Lui-même vous adresserait si vous ne trouviez pas d'hommes qui soient dignes, comme vous, du nom de chrétiens !

Qu'ils aillent donc au combat contre les infidèles – un combat qui vaut d'être engagé et qui mérite de s'achever en victoire –, ceux-là qui jusqu'ici s'adonnaient à des guerres privées et abusives, au grand dam des fidèles ! Qu'ils soient désormais des chevaliers du Christ, ceux-là qui n'étaient que des brigands ! Qu'ils luttent maintenant, à bon droit, contre les barbares, ceux-là qui se battaient contre leurs frères et leurs parents ! Ce sont les récompenses éternelles qu'ils vont gagner, ceux qui se faisaient mercenaires pour quelques misérables sous. Ils travailleront pour un double honneur, ceux-là qui se fatiguaient au détriment de leur corps et de leur âme. Ils étaient ici tristes et pauvres ; ils seront là-bas joyeux et riches. Ici, ils étaient les ennemis du Seigneur ; là-bas, ils seront ses amis !”

d’après Foucher de Chartres, Historia Hierosolymitana,

dans Recueil des historiens des croisades, historiens occidentaux. Cité par M. Balard, A. Demurger, P. Guichard dans Pays d'Islam et monde latin Xe-XIIIe siècles. Hachette, Paris, 2000

  1. Présentez dans un tableau les documents (Nature, Auteur, Date, Intérêt et Argument).
  2. Comment est vêtu et équipé le personnage dessiné dans le document 1?
  3. Dès lors de quel type d'homme s'agit-il, quel peut être son titre? De quelle classe sociale fait-il partie?
  4. Dans quelle position est représenté ce personnage? Que fait-il?
  5. En conclusion comment le qualifier?
  6. Document 2. À qui s’adresse le pape Urbain VII? En conclusion de quel événement majeur?
  7. Que sont chargés de faire ensuite les auditeurs du message du pape? 
  8. Quels sont les buts de la croisade pour le pape? 
  9. Que promet le pape aux croisés et à ceux qui les accompagneront? 
  10. Justifiez l’idée selon laquelle, pour Urbain VII, les croisades ont aussi un but de “pacification de l’Europe occidentale”.

IV - La fin du Moyen-Âge : vers la construction des Etats modernes.


L’ordre médiéval disparaît avec l’émergence des états modernes à partir du XVe siècle.


Plus le roi verra son pouvoir augmenter, plus les droits des seigneurs sur leurs fiefs iront en s’amenuisant.


Cette concentration des pouvoirs dans la main du roi seul, sera la marque de la formation de l’état moderne à partir du XVe siècle. Ainsi Machiavel dans Le Prince, utilise déjà l’expression “lo stato”, l’état, pour nommer l’état, un état distinct du souverain lui-même distingué de son peuple. Parallèlement le nom de « politique » est de plus en plus employé à partir du XVe siècle pour désigner les affaires de gestion des domaines royaux et princiers par analogie au mot grec “polis” (la cité). Le fief perd de son importance. La noblesse et le roi ne sont plus synonymes d'état. La naissance de l’État moderne marque vraiment la fin du Moyen-Âge.


Par ailleurs, en France, une grande épidémie (le peste noire) et une longue guerre (la guerre de Cent ans) vont marquer la fin du Moyen-Âge.


Ramenée de Crimée, où elle décime les rangs des armées mongoles, la peste est vraisemblablement venue en Europe via des marchands génois. De Gènes, suivant les routes marchandes et les routes de pèlerinage elle atteint Venise, puis Rome, puis la France et en quelques mois, toute l'Europe (particulièrement les grandes villes) est touchée. La peste est une maladie lié à une bactérie, ou bacille, qui peut infecte les poumons (le patient tousse alors jusqu'à cracher du sang et du pus), le sang (des hémorragies sous-cutanées marquent le corps de taches noires) et les ganglions lymphatiques (qui gonflent et éclatent). La létalité au Moyen-Âge de cette maladie très impressionnante est de 100%, tous les patients atteints par la peste en mourront. La peste frappe l’Europe et décime 30 à 50 % des Européens en cinq ans (1347-1352) faisant environ vingt-cinq millions de victimes.


Document 8. Une danse macabre du XVe siècle (début de la Renaissance italienne)



La peste frappe l’Europe et décime 30 à 50 % des Européens en cinq ans (1347-1352) faisant environ vingt-cinq millions de victimes.


L'autre événement majeur de la fin du Moyen-Âge pour la France est la guerre de Cent Ans (qui dure 116 ans de

1337, déclaration de la guerre à 1453, bataille de Castillon)

. La guerre démarre quand le roi d'Angleterre Edouard III revendique le trône de France en tant que fils d'Isabelle de France, la fille de Philippe IV "le Bel", roi de France et fils d'Edouard II, le roi d'Angleterre, alors que les grands féodaux réunis choisissent eux de porter sur le trône successivement Louis X le hutin, un frère du roi défunt, puis Philippe V (dit Philippe de Valois), le neveu de Philippe le Bel puis Philippe VI de Valois (le fils de Charles de Valois, l'un des fils de Philippe le hardi, second fils de Saint-Louis, Louis IX). La guerre est d'abord navale (bataille de l’Écluse en 1340), puis est marquée par des victoires anglaises comme la bataille de Crécy (1346) puis Calais en (1347). mais l'Angleterre ne pourra jamais exploiter ses victoires et dominer plus que la Guyenne et la Normandie, ses possessions légitimes. La guerre reprend néanmoins plusieurs fois à la faveur de crise politique en France, et la couronne de France est de nouveau menacée quand Jeanne d'Arc prend la tête de l'armée royale, libère Orléans, est victorieuse à Patay le 18 juin et permet le sacre du roi de France Charles VII à Reims le 17 juillet 1429. La bataille de Castillon (1453) lourde défaite anglaise assoupit le conflit qui reprend lorsque le roi d'Angleterre Edouard IV décide de s'allier au duc de Bourgogne Charles le Téméraire contre le roi de France Louis XI, mais le duc Charles est mis en déroute en Suisse et le roi d'Angleterre signe la paix à Picquigny le 29 août 1475. Le traité de Picquigny met fin aux prétentions anglaises sur le trône de France et met donc fin à la Guerre de Cent Ans. 

Document 9. Une miniature médiévale représentant la bataille de Crécy(victoire anglaise de 1346.

Document 10. Jeanne d’Arc sur le bûcher à Rouen en mai 1431.



Épidémies et guerres réduisent fortement la population de l'Europe occidentale tandis que l'Église catholique est divisée face à la Réforme. Néanmoins, les progrès artistiques, culturels et technologiques de la période sont durables. Ils ouvriront la fin de la période médiévale sur la Renaissance.


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