Cours Terminale L Gouverner la France depuis 1946 (Partie I)

Gouverner la France depuis 1946. 
État, gouvernement et administration. 
(Première partie)

(Le sujet du cours est introduit à la manière d'une dissertation. On commence, du coup, par se poser des questions sur le sens des mots, des termes, du sujet)

  1. Analysez le sujet

Première étape : il s'agit, comme à chaque fois, de définir les termes du sujet.

 

D'abord : Gouvernement. Au sens large, le gouvernement : c’est la direction politique d’un état. 
Mais ici, dans un contexte d'histoire politique, le terme renvoie aux personnes qui ont
 exercé ou exercent le pouvoir exécutif. En sciences politique, et en histoire politique 
ont restreint le sens de gouvernement à ce cadre finalement assez réduit. 

Et c'est la définition, par exemple, que Pierre Rosanvallon donne du mot dans son 
ouvrage Le Bon Gouvernement, paru au Seuil en 2015.  
(N'hésitez pas à lire du Pierre Rosanvalon, c'est l'un des historiens et chercheurs en 
sciences politiques contemporains les plus consensuels, il est enseignant au collège 
de France)

Dès lors, relié ici au terme gouverner, le mot gouvernement nous invite à analyser
les manières, les façons de faire, les recettes du pouvoir : comment les personnes 
membres du gouvernement et particulièrement les différents présidents de la 5e République
 ont exercé leurs fonctions et l'exercent aujourd'hui. Donc, le sujets nous invite bien à 
mettre au cœur de notre étude les continuités et les ruptures

Par ailleurs ayez en tête la Constitution de la Ve République (1958), le gouvernement 
y est constitué par l’ensemble des ministres et des secrétaires d’état. Le gouvernement 
est dirigé par le premier ministre, nommé par le président de la République

Deuxième champ d'investigation : L’État. Ltat est à entendre comme l’ensemble des pouvoirs publics régissant la République
autrement dit l'ensemble des institutions de la République. 

Le gouvernement est ainsi inclue dans l'État. L'État constitue le tout, le gouvernement 
la partie.

Quand à l’administration. Le terme est à comprendre comme l’ensemble des services
de l’État, c’est-à-dire les services (et leurs responsables) de la fonction publique
(les personnels exécutants de l’exécutif). 
Une fois ces mots définis, on peut s’étonner de l’absence des députés (les élus de l'Assemblée Nationale, le cœur du pouvoir législatif) et le Sénat (les deux assemblées votent les lois). Pourquoi cet mise à l'écart, car la Ve République est surtout un régime présidentiel.

Et tout de suite émerge un paradoxe : entre la diversité des régimes qui gouvernent 
la France entre 1939 et 1945 et la continuité de l'action publique. En effet, cinq régimes se succèdent entre 1939 et 1958 en France : la Troisième République, l’état français du maréchal Pétain, le Gouvernement Provisoire de la République Française dirigé par le Général De Gaulle, puis les IVe et Ve républiques. 

Et face cette l’instabilité, on est frappé par la continuité de la gouvernance, des 
manières de gouverner : continuité de la direction des guerres (en Indochine 1947 
à 1954, en Algérie de 1954 à 1962), crises parlementaires et sociales répétées mais 
incapables d'ébranler vraiment les principes républicains dominants. 

On comprend alors que le sujet a pour but final de nous faire explorer ce paradoxe entre continuité de la gouvernance (les manières de gouverner) de l'État et ruptures et instabilité des gouvernements (valse des personnels politiques, des régimes et crises politiques). 

(Vous constatez que nous en profitons pour introduire le terme de "gouvernance". Le terme gouvernance désigne l'ensemble des manières de gouverner. En d'autres termes c'est un synonyme du sens large de gouvernement. Il permet d'éviter les confusions entre les deux sens de gouvernement. Le terme de gouvernance, très populaire aujourd'hui, on parle régulièrement de gouvernance mondiale, de gouvernance européenne, est apparu dans la sociologie des entreprises aux États-Unis dans un ouvrage fondateur de Ronald Coase, « The Nature of the Firm » (1937). Par ailleurs l'usage du terme gouvernance permet de se centrer sur les manières de gouverner, tous en restant flou sur les acteurs. Ainsi le terme de gouvernance s'adapte bien au cadre actuel très instable ou émergent de nouveaux acteurs en permanence : ONG, firmes transnationales, mouvements terroristes très évanescents mais aux capacités d'actions importantes).


Une fois les mots définis et les interactions entre ces mots, comprises, il s'agit de donner une problématique au sujet, puis un plan.

La problématique doit mettre en valeur le paradoxe vu et donc jouer sur la continuité et les ruptures, l'unité derrière la diversité des régimes

Problématique possible : À partir de 1946, comment, au sein des républiques, la distribution des rôles et des pouvoirs entre le gouvernement et l’administration, a permis le maintien de la continuité des principes républicains ? Et néanmoins avec quelles crises ? 
Accroches possibles : 
La crise des Gilets jaunes, mai 68, la Guerre d’Algérie, on présentera un exemple et on 
montrera surtout qu'aucune de ces crises et pas même celle qu'on a explorée en accroche 
n’a permis de mettre à mal durablement la République. 

Le plan, un plan chronologique.
Ici le plan chronologique s’impose. Trois ruptures : La crise de 1958 qui met fin à la 
quatrième République, la fin de la République gaullienne (1968-1969) et les différentes 
mutations du régime après le départ puis la mort de De Gaulle.

I/ La quatrième république (1946-1958) : une république instable et fragile dont la stabilité fut assurée par ses administrateurs.
a/ Une République de la valse parlementaire qui n’a pas été sans action, grâce, entre 
autres, à une administration volontariste.
b/ La valse ministérielle : une caractéristique de la quatrième République.
c/ Une république balayée par la crise coloniale.

II/ La cinquième république première période (1958-1969)
a/ Une république voulue et dessinée par le général de Gaulle. 
b/ La période de république gaullienne (1958-1969)
c/ La crise des années 1968-1969

III/ La cinquième république après le De Gaulle : une république de plus en plus présidentielle : enjeux et défis (1970-2020). 
a/ Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing : les suiveurs de la tradition gaullienne.
b/ François Mitterrand et Jacques-Chirac : Les présidents de la cohabitation.
c/ Un régime de plus en plus présidentiel.


I/ La quatrième république (1946-1958) : une république instable et fragile dont la stabilité fut assurée par ses administrateurs.
a/ Une république parlementaire née d'un compromis fragile.

(Il s'agira ici de montrer, derrière l’instabilité des élus, la stabilité du régime, rendue possible par ses grands cadres républicains)

Un exemple éclairant, en juin 1958 est publié, dans la collection « Tribune libre » de Plon 
un ouvrage Sur quelques maladies de l’État, publié par René Massigli. Le livre tire un 
bilan très critique du fonctionnement de l’appareil d’État sous la IVe République. 
L’auteur du livre est René Massigli, un serviteur de l’État de très grande envergure 
et dont on doit mettre en lumière la carrière, marquée par la longévité : entré en 1921
 dans la carrière diplomatique, il fut, au cours des années trente, directeur adjoint puis 
directeur des affaires politiques au ministère des affaires étrangères. Ambassadeur en 
Turquie, il rejoint la France libre, qui en fait à partir de la mi-1943 son commissaire 
(c’est-à-dire son ministre) aux affaires étrangères. Nommé à la Libération ambassadeur 
à Londres, il y passe plus de dix ans avant de devenir, entre 1955 et 1956, secrétaire 
général du ministère des affaires étrangères. René Massigli est l’exemple même de 
l’homme d’expérience au service de l’état. Né en 1888, il a servi l’ensemble des 
régimes du siècle et depuis son observatoire du Quai d’Orsay, il dresse dans son 
ouvrage de 1958 un tableau critique de la IVe République. La carrière de Jean Massigli,
 cité par Vincent Duclert historien politique de la République, auteur avec 
Marc-Olivier Baruch d’un ouvrage de référence Serviteurs de l’État peut-être une 
bonne accroche également. 

I - La IVe République, une république marquée par l’instabilité gouvernementale, 
portée par ses administrateurs. 

  1. Une République de la valse parlementaire qui n’a pas été sans action, grâce, 
    entre autres, à une administration volontariste.

 
Jean Sennep, dessin paru dans Le Figaro le 9 septembre 1948 représentant le 
président Vincent Auriol tentant de former un gouvernement.

1. Présentez le dessin.Qui est Jean Sennep?  
2. Qui est ici représenté? Quelle a été sa carrière politique (utilisez internet)? Quel poste occupe-t-il en 1948?
3. Que Sennep choisit-il de moquer ici? Par quel moyen?

1983, l'historien politique Jean-Pierre Rioux estimait que « les Français pourraient peut-être admettre enfin que ce régime faible et méprisé n'a pas tout à fait démérité ». 

La Constitution parlementariste qui accompagne la reconstruction du pays est marquée par la valse des gouvernants. 

Le rétablissement de la République en France après la Libération de 1944, s’était accompagné d'un débat constitutionnel passionné (deux assemblées constituantes se sont succédées, il y a eu trois référendums).

En octobre 1946, les Français lassés adoptent enfin sans enthousiasme et de justesse (plus de 30 % d'abstention et 53 % seulement de oui) une nouvelle constitution.

Œuvre d’un compromis entre le PCF, la SFIO et le MRP, la constitution est rejetée par 

de Gaulle lors de son discours de Bayeux, en 1946. La constitution de la IVe République, 

votée en 1946, donne à l’Assemblée nationale un contrôle absolu sur le gouvernement. 

Les gouvernements, responsables devant l’assemblée nationale, peuvent être balayés par 

une simple motion de censure ou par l’absence de renouvellement de la confiance au

 gouvernement. Il s’installe par ailleurs l’habitude pour les gouvernants de démissionner 

face à un vote de censure prononcé à la majorité relative. Les gouvernements 

deviennent ainsi très instables.

Issu de la majorité parlementaire, le président du Conseil met en œuvre la politique 
négociée par les députés, son gouvernement est responsable devant eux. 
Le président de la République incarne, quant à lui, la Nation, son rôle est plus en retrait. 
Les présidents successifs se refusent à mobiliser le droit de dissolution.
24 gouvernements se succèdent de 1947 à 1958, leur durée est très inégale 
(d’un jour à 16 mois). Avec l'adoption du scrutin proportionnel, aucun parti ne 
disposait de la majorité à l'Assemblée et les coalitions fragiles ad hoc se font et 
se défont au gré des circonstances.
Des gouvernements démissionnent même au bout de quelques jours ou au bout 
de quelques semaines, sans avoir été renversés par une véritable motion de censure, 
mais simplement car ils n'arrivent pas à faire voter par l'Assemblée les lois qu'ils 
jugent indispensables.
Les tentatives de réformes amorcées par Mendès-France en 1954 échouent à stabiliser le régime (fin de la double investiture des gouvernements, ministres désormais choisis et responsables devant le premier ministre et non les chefs de partis, mise en avant de jeunes personnalités politiques, de techniciens). 
En 1947, dans le contexte de la Guerre Froide, les ministres communistes sont 
exclus du gouvernement, supprimant tout soutien aux divers gouvernements 
d’une force politique majeure. Le rejet dans l'opposition, des communistes 
(le PCF est le premier parti de France en voix, fixant 1/4 de l'électorat 
durant toute la IVème République) et des gaullistes (RPF premier parti de 
France en sièges en 1951), ne permettait pas la formation de majorités fortes et stables.
  1. Une administration moderne et interventionniste.

Dès 1945, l’École nationale d’administration (ENA) assure la formation d’une haute 
fonction publique volontariste et renouvelée. L’année suivante, le statut général des
fonctionnaires dote l’État d’une administration puissante et stable. A contrario de la valse des ministres, la stabilité des fonctionnaires permet une certaine stabilité de l’appareil des services.
L’administration appuie l’intervention publique dans l’économie. Les secteurs clés 
(énergie, transports, banques et assurances) passent sous le contrôle de l’État : 
nationalisation des mines en 1946, création de grande régies publiques (Tabacs, 
Régie Renault) Parallèlement, une planification incitative fixe objectifs et priorités.
De 1947 à 1952, le premier plan de modernisation et d'équipement ou Plan Monnet
oriente les efforts de la reconstruction en l'inscrivant dans la perspective d'une croissance
 à plus long terme en privilégiant les secteurs du bâtiment et de l’énergie.
Le 2ème Plan ( 1954-1957 ) s'est élargi à d'autres secteurs et a ébauché les premières 
actions d'aménagement rural et de décentralisation industrielle. En 1957, le traité de Rome fonde la CEE. 
Stratégiquement la France est devenu un quasi-protectorat américain, l’aide américaine 
(plan Marshall) participe à redresser le pays mais la politique étrangère de la France 
s’appuie totalement sur la politique stratégique américaine. Plusieurs bases américaines
 accueillent des soldats américains en France, comme à Châteauroux (dans l’Indre). 
Seule exception, l’opération menée conjointement avec l’armée anglaise et israélienne 
sur le canal de Suez en 1956. 
http://www.france-air-otan.net/CONTENU/CHATEAUROUX/Images/D%C3%A9ols%201.JPG 
Carte postale de la base aérienne américaine de Châteauroux-Déols en 1955.  
Un petit bout d'Amérique dans la France de René Coty. Gérard Depardieu parle 
régulièrement en interview de son enfance à Châteauroux et de l'attraction que 
constitue alors la base américaine (dont les bâtiment sont toujours visibles aujourd'hui). 
1. Comment le photographe met-il l'accent ici sur la présence américaine? 
Par quels éléments mis en avant? Quel cadrage?

La construction de l’état providence

La quatrième République finalise la création de la Sécurité sociale (1945) crée 
l’office nationale des HLM (habitations à loyer modéré) en 1950 pour mettre en place 
une politique nationale volontariste du logement. La scolarité obligatoire est prolongée
jusqu’à 16 ans. Un sous-secrétaire d’État chargé de la jeunesse et des sports, 
sur le modèle du ministère de Jean Zay lors du Front Populaire (1936) est créé. 
Malgré les grandes grèves (mines, transports) de la fin des années 1940 
(grandes grèves des mineurs de 1948) ou le mouvement de Pierre Poujade 
(mouvement pro-artisans populiste) la République est déstabilisée mais ne sombre pas. 
Création du salaire minimum en 1950 (SMIG).
1. Qui est Pierre Poujade? Quel a été son parcours et qui l'encadrent dans son mouvement?  
2. Quels sont les principes de son mouvement? 
3. Quel parti politique peut apparaître aujourd'hui comme mouvement héritier du 
"poujadisme"?
  1. Une République balayée par les questions coloniales.
La IVe République privilégie les colons en Algérie et laisse le nouveau statut de 1947, 
qui met fin définitivement aux mesures du code de l’indigénat, devenir lettre morte. 
L’Union Française qui remplace l’Empire colonial français ne change rien à la situation.  
Après des tentatives de négociations en Indochine c’est le parti de la guerre qui l’emporte, 
jusqu’à la défaite de Dien Bien Phu en 1954. Mohamed V le sultan du Maroc, 
favorable à l‘indépendance est déporté.

Jean Eiffel, dessin paru dans l’Express le 19 septembre 1958. De gauche à droite : le Général Massu, le Général De Gaulle, le président du Conseil Félix Gaillard et 
Guy Mollet le secrétaire général de la SFIO.

En 1958 ont lieu de grandes manifestations favorable au maintien du régime colonial. 
S'en suit un coup d’état militaire à Alger avec création d’un comité de Salut Public. 
L'homme fort d'Alger est alors un militaire, le Général Massu allié au Général Salan. 
Ils prennent le pouvoir en Algérie et préparent un coup de force en France. 
Les insurgés adressent dans le même temps un ultimatum au Président de la 
République René Coty. L'instabilité ministérielle, l'impuissance et les atermoiements 
de la IVe République face à la question algérienne, véritable guerre démarrée 
par l'insurrection le 1er novembre 1954, conduisent le régime à une crise grave. 
Des responsables politiques de tous bords en viennent à souhaiter le retour du 
Général De Gaulle, lui même entretient des liens avec les généraux d'Algérie.
Au sein du Comité de Salut public fondé à Alger le 13 mai 1958, Sallan et Massu 
font acclamer son nom. Le 19 mai, De Gaulle se dit “prêt à assumer les pouvoirs 
de la République”. Il est finalement appelé au pouvoir le 1er juin 1958.

« Dans le péril de la Patrie et de la République, je me suis tourné vers le plus 
illustre des Français, vers celui qui, aux années les plus sombres de notre histoire, 
fut notre Chef pour la reconquête de la liberté et qui, ayant ainsi réalisé autour de
lui l’unanimité nationale, refusa la dictature pour rétablir la République. » 
Message du président René Coty au Parlement le 29 mai 1958.

1. Quels éléments met en avant René Coty pour justifier l'appel à De Gaulle? 
2. Quel épisode du début de la deuxième guerre mondiale vous rappelle cet extrait d'allocution? 
3. Du coup, quels ont été les arguments de l'opposition à De Gaulle? Quelles craintes a-t-il cristallisées, celles-ci ont-elles été réalisées? Pourquoi? Faites des hypothèses et utilisez internet pour compléter.

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