Thème 2: La France dans l’Europe des nationalités (1848-1871)
Chapitre 1. La difficile entrée dans l’âge démocratique: la Deuxième République et le Second Empire.
Problématique : Comment, après la Révolution et l'Empire, de nouveaux régimes se succèdent-ils en France jusqu'à l'avènement d'une république en 1870 et comment les principes de la Révolution Française se sont-ils diffusés en Europe?
Buts de l'étude : ce thème vise à montrer et à analyser les différents régimes qui gouvernent la France de 1815 à 1870.
Mais ces différents régimes ne seront pas sans opposition : oppositions rencontrées par les deux monarchies et opposition rencontrées par le Second Empire (condamnation des "sacrilèges" entre 1825 et 1830 ou la proscription de Victor Hugo sous le Second Empire).
Il s'agira également de mettre en parallèle histoire de France et histoire des voisins européens. 1848 est aussi "le printemps des peuples".
A - 1815-1830 La Restauration
La période est marquée par le retour de la monarchie. Deux rois Bourbon se succèdent sur le trône : Louis XVIII (entre 1815 et 1824) et Charles X (entre 1824 et 1830) les deux frères cadets de Louis XVI.
Louis XVIII est "roi de France et de Navarre" deux fois, du au puis après l'épisode des Cent Jours (le retour de Napoléon) du à sa mort, le , à Paris.
Question : Dans quelle mesure ce portrait de Louis XVIII met-il en avant une figure monarchique classique en France, mais avec quelques aménagements?
Le lac
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :
" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.
" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !
Charles X succède à son frère Louis XVIII après la mort de celui-ci en 1824. Il est roi de France et de Navarre de 1824 à 1830.
Charles X, comte d’Artois, est le plus jeune frère de Louis XVI. Royaliste “ultra”, il est opposé à la Révolution française et sera l’un des premiers membres de la famille royale à immigrer, dès l’été 1789. En exil, il n’aura de cesse que de comploter et de se battre contre le gouvernement révolutionnaire. Ainsi, en 1792, il est à Valmy, officier de l’armée des princes, affrontant les troupes de Dumouriez et Kellerman. Après sa participation infructueuse au débarquement de l’Île d’Yeu en 1795, en soutien à l’armée de Charette (un chef chouan contre-révolutionnaire) il démarre une vie d’errance qui le conduit en Angleterre. Il vit principalement à Londres jusqu’en 1814. Il revient en France lorsque son frère Louis XVIII monte sur son trône. En 1815, lors des “100 jours”, il tente à la tête d’un corps d’armée de freiner l’avancée de Napoléon vers Paris mais il est privé de munitions et finalement trahi par une partie de ses hommes.
Entre 1815 et 1824, jusqu’à son accession au trône de France il participe à l’opposition ultra-royaliste. En 1815, ses partisans les “Verdets” (désignés ainsi du fait de la cocardes vertes qu’ils portent, le vert étant la couleur du comte d’Artois) terrorisent un peu partout en France la population après l’annonce de la défaite de Waterloo, c’est la Terreur Blanche, qui se déchaîne contre les anciens soutiens de Napoléon ou de la Révolution connus, mais aussi contre des familles protestantes ou contre les troupes mamelouks de Marseille. On estime que 15 000 personnes vont trouver la mort au cours de la Terreur Blanche, épisode resté célèbre dans les mémoires et dans la fiction, par exemple dans le roman d’Eugène Le Roy, Jacquou le croquant.
Un Verdet armé d'un poignard, représentation romantique de la Terreur Blanche.
Quand Charles X monte sur le trône, il cherche à rétablir la continuité avec l’Ancien Régime, encore plus que Louis XVIII. Ainsi il renoue avec la cérémonie du sacre à Reims, sur le modèle de l’Ancien Régime. La loi sur le sacrilège (1825), la remise d'indemnités aux émigrés (loi dite du « milliard des émigrés »), le licenciement de la garde nationale, le rétablissement de la censure (1825-1827), le contrôle de l’instruction publique par les évêques et l’épuration des universités des éléments républicains ou bonapartistes marquent ainsi la domination lors de son règne des « ultras », la frange revancharde des royalistes opposée à la Charte de 1814 et dirigée par le Président du Conseil, Joseph de Villèle, comte de Villèle.
Après l’effacement de la France successif à la chute de Napoléon, la Restauration et surtout le règne de Charles X marque le retour du pouvoir français dans le concert des nations. Ainsi, le 20 octobre 1827, la flotte française de Méditerranée participe aux côtés des escadres russes et britanniques à la bataille navale de Navarin, où la flotte turque est écrasée, amenant, après encore quelques années d’affrontement, la reconnaissance par l’Empire ottoman de l’indépendance de la Turquie en 1832. L’indépendance grecque avait été proclamée en 1821, et son mouvement, influencé par les écrits de grands penseurs grecs comme Rigas Feraios, était largement inspiré par la Révolution Française et en premier lieu, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyens de 1789.
Crânes de victimes du massacre de Chios, massacre perpétré par l'armée turque sur l'île de Chios au cours de la "guerre de libération nationale grecque" (en 1821).
Après le débarquement sur l'île de Chios d'un millier de partisans grecs cherchant à rallier cette île très riche à la révolution en cours, le gouvernement ottoman envoya un contingent de 45 000 hommes avec "ordre de reconquérir puis raser l'île
et d'y tuer tous les hommes de plus de douze ans, toutes les femmes de
plus de quarante ans et tous les enfants de moins de deux ans, les
autres pouvant être réduits en esclavage". On estime le bilan des victimes à 25 000 tandis que 45 000 Grecs auraient été vendus comme esclaves.
Seul 10 000 à 15 000 personnes réussissent à s'enfuir et à se réfugier
les autres îles de la mer Égée et en Grèce continentale.
Ce massacre de civils par les troupes de la Sublime Porte marque l'opinion publique internationale et participa au développement du philhellénisme. Eugène Delacroix rend hommage aux victimes en peignant "Le massacre de Chios" en 1824.
En 1830, Charles X isolé et usé par le pouvoir est chassé par la première journée de révolte des trois glorieuses. Historiquement, pour justifier la révolte, c’est son refus des réformes libérales, sa volonté de rétablir le droit d'aînesse et l’usage du drapeau blanc qui sont mis au centre des mobiles de la révolution de 1830.
C’est Louis-Philippe, son cousin, le fils de Philippe Égalité, appelé par les députés, qui lui succède. Il sera le dernier roi à régner en France, et en tant que “Roi des Français”.
Cette dernière phase monarchique porte le nom de Monarchie de Juillet.
LA MONARCHIE DE JUILLET : UNE MONARCHIE PARLEMENTAIRE
L'année 1830 est marquée par de série d'émeutes urbaines qui entraîne la fin du règne de Charles X.
Quels mécanismes politiques, économiques et sociaux expliquent cette nouvelle révolution?
A. Politiquement, Charles X s'est raidi à partir de 1829. Particulièrement à l'été 1829 il a nommé un conseil de ministre "ultra" dirigé par le prince de Polignac, le fils de la favorite de Marie-Antoinette, émigré et anti-révolutionnaire notoire. À ses côtés, c'est
le comte de La Bourdonnaye, un noble qui avait réclamé "des supplices, des fers et des bourreaux! » pour les soutiens de Napoléon Ier durant les Cent-Jours, qui devient ministre de l'Intérieur.
L'opposition libérale, trahie, se mobilise pendant l'automne et l'hiver suivant. L'opposition libérale se fédère autour d'un nouveau journal, "Le National" créé entre autre par Adolphe Thiers et Armand Carrel, des personnalités libérales, centristes.
Adolphe Thiers (1797-1877)
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