Thème 3: La Troisième République avant 1914 : un régime politique stable, démocratique, et colonialiste

Chapitre 1. La construction d'une république parlementaire puissante

La guerre franco-prussienne de 1870-1871 avait entraîné la proclamation soudaine de la république le 4 septembre 1870. 

En effet, le 4 septembre, à 14h30, une foule de Parisiens mobilisés, enhardis par les journaux, avait envahi le palais Bourbon, siège du corps législatif impérial, pour y réclamer la proclamation de la République. Les parlementaires en ce 4 septembre, midi, sont autant épuisés qu’enfiévrés. La séance avait en effet démarré à 1 heure du matin. Et les parlementaires s'oppose sur la suite à donner à la journée. Pour Léon Gambetta, c'est clair, la France revit les événements de 1792. Il faut donc aussitôt proclamer la République. Pour Adolphe Thiers, homme de gouvernement, ancien ministre de Louis-Philippe, beaucoup plus circonspect et tiède, on ne peut balayer ainsi vingt ans de Second Empire, il ne faut point trop s'engager, un simple "comité de gouvernement et de défense nationale", provisoire, doit être créé.

De fait Thiers veut la paix et l'établissement d'une monarchie constitutionnelle, sur le modèle de ce qu'il attendait de la monarchie de Juillet (la Monarchie de Juillet qui dure de 1830 à 1848 est monarchie placée sous l'égide de Louis-Philippe d'Orléans (la poire... vous devez vous souvenir). Et Thiers est, profondément, resté un orléaniste conservateur, qui souhaite un roi appuyé par un parlement puissant, à l'anglaise. Mais il sait que les monarchistes sont divisés entre les orléanistes, partisans du retour au pouvoir d'un prince de la maison des Orléans (et en particulier sous la direction de Louis d'Orléans, fils le plus âgé encore en vie de Louis-Philippe) et les légitimistes (les partisans du comte de Chambord, le très actif petit-fils de l’intransigeant Charles X, dernier frère de Louis XVI ayant régné (1824-1830), le successeur de Louis XVIII (1815-1824) le "roi-fauteuil", la gangrène, vous devez vous en souvenir...).


https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcR_ez7VyAsjAlCEk3IdCxG6OpgZtY-uxeMK-zSZjyr9s1qmoAzpTQfzQlBDZp-WLsbCekU&usqp=CAU  Adolphe Thiers en 1871, premier président de la République. Il lance la mode du portrait présidentiel photographique.

En face, Léon Gambetta, Jules Ferry, les républicains modérés, favorables à l'économie de marché et à un régime républicain bourgeois conservateur sont unis mais peu nombreux. Par ailleurs ils sont, contrairement aux monarchistes (orléanistes comme légitimistes) favorables à la paix avec les troupes de Guillaume Ier de Prusse qui vient de faire prisonnier Napoléon III. Quant aux bonapartistes, ils s'évanouissent en tant que tel, se répartissant entre monarchistes et républicains modérés. L'exil de la famille impériale a achevé le régime.

L'extrême-gauche française, elle, est composée d'anarchistes, de socialistes utopistes, de communistes naissants et d'héritiers des idées de "la Montagne" de Robespierre et des idées de Gracchus Babeuf. En ce 4 septembre 1870 elle réclame comme en 1848 la mise en place d'une véritable république sociale, populaire, égalitariste. Elle rêve d'une république capable d'offrir à chaque citoyen du pain, un logement et un travail. 

La guerre va ainsi unir des courants divergents. 

En effet, monarchistes et républicains modérés acceptent après quelques mois de combats l'idée de la paix avec les princes allemands qui occupent la moitié du pays. Les humiliations que le gouvernement allemand impose aux Français ne changeront rien. Le gouvernement français accepte que Guillaume Ier, le roi de Prusse, soit couronné à Versailles, dans la galerie des glace, le 18 janvier 1871. La paix est signé le 28 janvier. Il accepte également le 1er mars 1871 un immense défilé militaire dans Paris qui vient de subir un siège de plusieurs mois. Il est intéressant de remarquer que le "Gründerzeit", la période de fondation de l'Empire allemand (qui court de 1870 à la mort du chancelier Otto Vo Bismarck) démarre en France.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/72/A_v_Werner_-_Kaiserproklamation_am_18_Januar_1871_%283._Fassung_1885%29.jpg/800px-A_v_Werner_-_Kaiserproklamation_am_18_Januar_1871_%283._Fassung_1885%29.jpg Le couronnement de Guillaume Ier à Versailles, le 28 janvier 1871.

Les premières élections de 1871 amènent une scission entre grands centres urbains et zones rurale. Dans les grandes villes, et particulièrement à gauche, on a voté pour les représentants du monde ouvrier, pour la gauche, et donc pour la poursuite de la guerre. On en croit en un nouveau Valmy, on refuse de voir perdues l'Alsace et la Lorraine. Dans les campagnes, on a voté pour les noms connus, les notables, et pour la paix. 

Le 18 mars 1871, quand le général Trochu qui commande la défense nationale veut récupérer les deux cent canons de Montmartre, une insurrection éclate. C'est le début de la Commune de Paris

 https://www.aupresdenosracines.com/wp-content/uploads/2020/02/Guerre-1870-combats.jpgLourd manteau bleu et pantalon garance, la silhouette du fantassin français n'évoluera que très peu jusqu'à la Première Guerre mondiale. 

Ressources Commune de Paris :

Le gouvernement installé à Versailles est donc un gouvernement très conservateur, en opposition totale avec les élus qui forment le gouvernement insurrectionnel de la Commune. La répression est sanglante et se poursuivra pendant plusieurs années. On estime que la "semaine sanglante" (du 21 au 28 mai 1871), qui ramène les troupes du général Trochu dans Paris fera plus de 20 000 morts, 10 000 personnes sont déportés, majoritairement en Nouvelle-Calédonie, comme Louise Michel et de nombreux communards fuient la France. 

Les premières années de la République sont donc placées sous le signe d'un retour de l'ordre moral et du conservatisme. Et par ailleurs, le mot République est très peu usité pour le nouveau régime. Les députés pensent majoritairement que la France doit redevenir une monarchie. De fait ce sont surtout les prises de positions en décalage avec les aspirations du temps d'Henri V, l'héritier du trône, qui empêche le retour d'une monarchie que la majorité réclamait (querelle autour du drapeau blanc, vexation des Orléans). Pour Adolphe Thiers, la monarchie est devenue "impossible" dès 1873. Il faut quand même attendre les lois constitutionnelles de 1875 pour que la loi, en énonçant que « Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans ; il est rééligible. » Mais c'est le maréchal de Mac-Mahon, un monarchiste, qui est élu. Il avait accepté l'idée dès son élection de démissionner en cas d'accord des monarchistes. 
 
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/86/Macmahon.jpg/170px-Macmahon.jpg Le Maréchal de Mac-Mahon

Mais les élections suivantes amènent toujours plus de députés de gauche, républicains, à la chambre. Après plusieurs tentatives de blocages institutionnels il se résout à la cohabitation, il accepte ainsi les gouvernements de Jules Dufaure, puis de Jules Simon, farouches républicains membre du "bloc des gauches".

Le 30 janvier 1879, n'ayant plus aucun soutien dans l'Assemblée il donne sa démission, répondant ainsi aux mots de Léon Gambetta : « Monsieur le Président n'a plus le choix, il lui faut se soumettre ou se démettre. »
 
La République qui s'affirme à partir de 1879 est un régime stable et sûr de lui. La majorité des députés est maintenant républicaine. Le nouveau régime n'hésite plus à emprunter aux idées de la Révolution française et au programme des communards. 
 
En 1880 les communards sont d'ailleurs graciés. Ainsi, Jules Valès, philosophe et rédacteur en chef du Cri du Peuple regagne la France d'où il republie le Cri du peuple, journal libertaire et féministe réalisé avec la militante Séverine, une figure de l'intelligentsia parisienne et de la Bohème. 
 
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/eb/Louis_welden_hawkins%2C_s%C3%A9verine%2C_1895_ca._02.JPG/800px-Louis_welden_hawkins%2C_s%C3%A9verine%2C_1895_ca._02.JPGSéverine par Louis Welden Hawkins.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/10/CarolineRemy-Renoir.jpgSéverine par Renoir.
 
Quelques catch phrases de Jules Vallès: "Ce qu'ils appellent mon talent, c'est juste de la conviction!"
"Cela n'a de réalité, l'enfance, cela ne prend de sens qu'après coup. Ce n'est d'ailleurs qu'un mot d'homme faire : une pensée, une préoccupation d'un autre âge. On n'a jamais l'âge de son enfance. Elle vient trop tôt, et nous trop tard. Irréparablement."
"Familles, je vous hais!"
"Il ne faut pas être plus prisonnier de ses ennemis que de de ses amis."
"La mort n'est pas une excuse!"

Toujours de beaux succès sur les sites de citations
 
Le bloc des gauches au pouvoir met en avant les libertés fondamentales et individuelles et remet au centre les valeurs de 1789. Quelques lois emblématiques : la scolarité gratuite, laïque, et obligatoire pour tous les enfants, filles comme garçon par les lois scolaires de 1881 et 1882
 

Les lois Ferry (pour Jules Ferry) sont deux lois d'organisation de l'école primaire en France votées en 1881-1882. Elles rendent l'école (l'instruction primaire) : gratuite et obligatoire (loi du 16 juin 1881 ) et laïque (loi du 28 mars 1882 ).

Se met en place tout le vocabulaire architectural et symbolique de la République française, vocabulaire mis en évidence par l'historien Pierre Nora dans "Les lieux de mémoire". La devise "Liberté - Egalité - Fraternité" devient systématique sur les bâtiments publics. Dans Paris les monument de la place de la Nation (sculpteur Jules Dalou, monument inauguré le 14 juillet 1880) et de la République (par Léopold Maurice, inauguré en 1883) sont créés. Les réjouissances nationales du 14 juillet sont systématisées après 1879. Le 24 mai 1885 l'enterrement de Victor Hugo transforme les funérailles de l'écrivain en démonstration de force pacifique des républicains devenus majoritaires en France.


https://resize-parismatch.lanmedia.fr/img/var/news/storage/images/paris-match/people/spectacles/zahia-pose-en-marianne-devetue-pour-pierre-et-gilles-871007/9220541-1-fre-FR/Zahia-pose-en-Marianne-devetue-pour-Pierre-et-Gilles.jpg 

Quelle figure emblématique est ici représentée par les plasticiens Pierre et Gilles? Quels sont les symboles républicains visibles ici et à quoi font-ils référence?

Cette république bourgeoise, rencontre des oppositions : à droite, l’Église catholique s'oppose à sa politique laïque, l’antisémitisme et le rejet des étrangers n'épargne pas la France, une crise le montre : l’affaire Dreyfus, qui exacerbe xénophobie, antisémitisme et nationalisme. Et à gauche, colonialisme et accointance avec les élites capitalistes renforcent la rupture avec socialistes, anarchistes et communistes. 


https://download.vikidia.org/vikidia/fr/images/thumb/a/a3/Claude_Monet_f%C3%AAte_nationale_rue_Saint_Denis_.jpg/200px-Claude_Monet_f%C3%AAte_nationale_rue_Saint_Denis_.jpg La rue Saint-Denis aux drapeaux, Claude Monet, 30 juin 1878
 
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e3/%C3%89douard_Manet%2C_The_Rue_Mosnier_with_Flags%2C_1878.jpg/260px-%C3%89douard_Manet%2C_The_Rue_Mosnier_with_Flags%2C_1878.jpg La rue Mosnier aux drapeaux (actuellement rue de Berne, métro Rome, dans le 8e arrondissement), peint le 30 juin 1878.

 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b6/Monet-montorgueil.JPG/260px-Monet-montorgueil.JPG La rue Montorgueil aux drapeaux, Claude Monet, 30 juin 1878.
 
L'émancipation des femmes reste incomplète : le refus de donner aux femmes le droit de vote est réaffirmé en 1881, 1884, 1914 par les députés. 
 

Néanmoins la période est marquée incontestablement par la pérennisation et par l'enracinement de la République. 

Pérennisation car malgré les crises la République ne sera remise en cause qu'en 1940, et encore, si l'on s'appuie sur l'expérience de la France Libre, même pas.

Les crises : 
- Le boulangisme entre 1886 et 1889, marqué par l'émergence du Général Boulanger et qui s'enracine dans divers scandales et affaires, celle des décorations qui amène la démission du président de la République, Jules Grévy, en 1887, mais aussi l'affaire Guillaume Schnaebelé qui entraîne de fortes tensions avec l'Allemagne la même année,
- Le scandale politico-financier de Panama en 1892,
- L'affaire Thalamas en 1908
- L'affaire Dreyfus de 1894 à 1906,
- Les discussions et manifestations autour de la loi de séparation de l'Église et de l'État et le scandale des fiches en 1904-1905.
 
L'opposition à la République est également le fait de mouvements issus de 
la gauche radicale. Anarchistes, communistes, socialistes révolutionnaires
à suivre : affaire Dreyfus, colonisation, industrialisation de la France, exposition universelle.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire