MOI, COMLAN, 13 ANS, ESCLAVE (PARTIE QUATRE)

 

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Vente d'esclaves, gravure anglaise du début du XIXe siècle

MOI COMLAN, 13 ANS, ESCLAVE (PARTIE QUATRE)


Esclave, cela voulait dire que j’appartenais 

désormais à un maître, à un blanc, qui était le 

propriétaire d’une plantation c’est à dire 

une grande exploitation agricole. 

C’est là d’ailleurs que l’on me conduisait en 

chariot. 


Une plantation? Esclave? 

Je ne comprenais pas tout et me laissais 

entraîner par le rouli de l’attelage sur la route. 

J’étais déjà heureux d’être en vie. 

À l’avant, les deux blancs discouraient dans 

une langue inconnue. Un homme noir en 

uniforme conduisait l’atelage. 

Je refusais de me poser trop de questions 

et rapidement, épuisé, je m’endormais. 

Je me réveillais à l’arrivée, auprès d’un 

grand bâtiment blanc, une espèce d’entrepôt, 

en réalité une distillerie de rhum. 

Je l’appris plus tard, notre propriétaire 

exploitait la canne à sucre pour en tirer de 

l’alcool qu’il exportait jusqu’en Europe. 

Toutes les armées du monde étaient friandes 

de rhum, il en produisaient des litres et 

des litres qui étaient ensuite vendus partout.


Une fois dans la plantation on me remit 

une chemise crasseuse, un pantalon 

de lin et une ficelle en guise de ceinture. 

Un homme, d’une trentaine d’années, 

un fanti comme moi, Kwamé, 

m’expliqua les règles. Ici, nous étions 

des esclaves, nous ne valions pas plus 

cher qu’une chèvre, nous étions comme 

des meubles, achetables et vendables 

à plaisir. Kwamé m’expliqua encore que 

nous étions ici sur l’île de la Guadeloupe, 

et que notre maître était un français, la 

Guadeloupe étant une colonie française, 

de l’autre côté du grand océan qu’ils 

appelaient “Atlantique”. La France était 

selon lui un pays très puissant, 

dont les hommes, très cupides, 

étaient prêts à tout pour gagner de l’argent 

et conquérir de nouvelles terres. 

Je pensais que partout les hommes étaient 

cupides malheureusement, mais que les 

Français devaient être bien terribles en effet 

pour autoriser un tel commerce d’hommes. 

Je me mettais à nourrir contre les blancs 

une haine farouche. 


Dans la plantation, le travail était harassant. 

Dès le matin nous étions conduits dans les 

champs pour nettoyer les allées, désherber, 

couper les cannes quand elles étaient assez 

grandes pour les rassembler en paquets et 

les redescendre des collines vers les 

bâtiments de la distillerie où ils étaient 

transformés en alcool.


Dans la plantation notre maître applicait les 

règles du code noir (titre qui a été donné à 

l’Ordonnance royale de Louis XIV ou Édit 

royal de mars 1685 touchant la police des 

îles de l'Amérique française, puis aux édits 

similaires de 1723 sur les Mascareignes et 

de 1724 sur la Louisiane, et enfin, à partir 

du milieu du XVIIIe siècle, aux recueils de 

textes juridiques relatifs aux colonies françaises).

Kwamé m’expliqua que le simple vol d’une 

vache était passible de mort, et en cas de 

fuite une oreille ou le tendon à l’arrière du talon 

pouvait nous être coupé. Le marquage au fer 

chauffé au rouge et la mort étaient prévues 

en cas de récidive ou si l’on cherchait à 

frapper blanc : un maître, son ami, sa femme 

ou ses enfants. 


La majorité des esclaves de la plantation 

portaient des noms d’européens et étaient 

baptisés : Christophe, Paul, Madeleine ou 

Toussaint. Beaucoup étaient nés dans la 

plantation. Pour certains ils étaient la cinquième,

la sixième génération d'esclaves de leur famille. 

Nombreux aussi étaient ceux qui ne savaient 

même plus d’où venaient leurs ancêtres africains, de quelles ethnies et clan ou famille ils étaient, 

de quel pays du continent africain étaient venus 

leurs ancêtres. Ils étaient de vrais déracinés. 

Des femmes et des hommes sans plus aucune 

histoire derrière eux. Beaucoup étaient noirs 

mais assez clairs de peau, on m’expliqua qu’il 

s’agissait là de métis. Souvent, des employés, 

et même des maîtres, blancs, comme je l’avais 

vu sur le bateau, séduisaient des femmes noires,

esclaves sur la plantation. Mais même si le code 

noir les obligeait alors à vivre avec ces femmes, 

à les affranchirs et à élever les enfants nés de 

ces unions dans des conditions d’hommes libres, 

peu de blancs assumaient leur responsabilité. 

Beaucoup de ces enfants restaient donc esclaves,

mais souvent ils jouissaient quand même d’un 

certain prestige, on leur octroyait souvent une 

meilleure éducation, et des tâches moins rudes. 

Pour les autres, comme moi. La vie n’était faite 

que de tâches répétitives et difficiles, épuisantes. Les employés blancs, et même ces employés 

noirs dressés contre nous, nous harcelaient, 

pour nous faire travailler toujours plus. 

Le dimanche, pourtant, les esclaves pouvaient 

célébrer un office chrétien. Malgré le métissage 

et cette religion, la religion chrétienne, 

que les esclaves avaient adoptée de leurs 

maîtres, l’esclavage demerait la règle et la 

ségrégation entre noirs et blancs dominait. 


Pendant le premier mois, je ne revis pas notre 

maître, ce blanc en habit rouge qui m’avait 

acheté et qui m’avait semblé bon. Chaque 

matin quand je m’éveillais je maudissais le jour 

qui m’avait volé à l’Afrique, et je maudissais les 

blancs. 


QUESTIONS : 

  1. Dans quelle île arrive Comlan? 

  2. Dans quel archipel et près de quel continent? 

  3. De quelle puissance européenne cette île est-elle une colonie? 

  4. Dans quel type d’exploitation agricole Comlan est-il emmené pour travailler?

  5. Quelle ressource est exploitée dans la plantation? Pour fabriquer quoi? 

  6. Qui sont les métis? Pourquoi leur position est-elle souvent meilleure? 

  7. Pourquoi les conditions de vie et de travail de Comlan dans la plantation peuvent-elles être qualifiées d’inhumaines? 

  8. Qu’est-ce que le code noir? 

  9. Pourquoi le code noir est-il une législation draconienne? 

  10. Que partagent noirs et blancs (à la fin du texte)? Mais cela remet-il en cause l’esclavage? 

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