COURS HGGSP HISTOIRE ET MEMOIRES

 THÈME 3 : HISTOIRE ET MÉMOIRES, HISTOIRE ET JUSTICE


Introduction : Comprendre la différence entre histoire et mémoire.


Histoire : récit construit par des historiens et transmis dans le but de rendre compte de faits historiques, également, l’histoire à pour but d’expliquer l’Histoire. La rédaction du récit historique peut prêter à des conflits, mais aussi à des censures. L’idée de la rédaction historique est d’apporter des éléments objectifs de connaissances sur un évènement. 


Les mémoires : ensemble de témoignages reliés aux expériences, vécus par les participants d’événements historiques. Les mémoires sont donc des récits personnels, ou communautaires, souvent partielles, mais sur certains points, précis. Mais les mémoires peuvent aussi être censurées, éludées. 


Axe 1 - Histoire et mémoires des conflits.


A - La construction d’une mémoire franco-allemande autour de la Première Guerre mondiale.


Après l’armistice du 11 novembre 1918, puis du traité de Versailles, en 1919, les mémoires françaises et allemandes sont divergentes et affrontées. 


Les écrivains populaires mettent en avant les prouesses des armées, pour chaque camp. Un exemple, le Verdun de Jacques Péricard, édité en 1933. L’ouvrage met en avant le sacrifice, les prouesses et l’abnégation des soldats français de Verdun. Il écrira et fera éditer également Le soldat de Verdun, ouvrage du même type. Il collecte les témoignages de soldats français dans le but de les magnifier. 


Les populations sont encore marquées par le “bourrage de crânes”, expression popularisée par Jean Galtier-Boissière et la rédaction du Crapouillot dans l’entre-deux guerres. Ci-dessous un exemplaire du Crapouillot, qui dénonce, justement, les mensonges de la presse de guerre. Mais il reste un journal en marge.


Par ailleurs, en Allemagne, le parti nazi appuie la théorie du “coup de poignard dans le dos”. L’armée allemande aurait pu vaincre si elle n’avait pas été trahie par les politiciens et les juifs. Beaucoup d’écrivains allemands mettent en avant la figure magnifiée du fantassin de la reichswehr comme Ernst Jünger, comme dans Orages d’acier.  


Ce sont les témoignages, donc les mémoires transmises par les “écrivains témoins” de la guerre qui fissurent une première fois ces thèses concurrentes apologétiques. 


L’expression “écrivain témoin” naît d’un livre de Jean Norton Cru, Témoins, paru en 1929. 


Erich Maria Remarque, avec à l’Ouest rien de nouveau (livre interdit en Allemagne sous le 3ème Reich), Henri Barbusse avec Le Feu (dans sa version non censurée), Pierre Mac Orlan avec Les Poisson morts, et surtout Louis-Ferdinand Céline Voyage au bout de la nuit (en 1932) rendent compte des horreurs des tranchées. Les lecteurs se rendent alors compte que cette expérience a été commune du côté allemand comme du côté français. 


Un livre Ce qu’ils ont vu (éditions Flammarion, 1930), met ainsi à part égal expériences françaises et allemandes en présentant des archives et des photographies issues des deux camps. 


Mais les commémorations politiques restent elles nationales. 


La Deuxième Guerre mondiale entraîne un certain oubli de la Première Guerre mondiale. Au moins 50 millions de morts en Europe, la Shoah, la naissance de la Guerre Froide. Les opinions publiques se détournent de l’étude de la Première Guerre mondiale. 


Dans les années 1960, à la faveur du cinquantenaire de la Première Guerre mondiale, de nouveaux témoignages émergent. De nouveaux ouvrages d’historiens sont publiés sur le conflit comme Vie et Mort des Français 1914-1918, préfacé par Maurice Genevoix (l’auteur de Ceux de 14). En Allemagne, Les buts de Guerre de l’Allemagne impériale (Fritz Fischer, 1961) renouvelle l’historiographie allemande. 


En pleine construction européenne (traité de Rome 1957), les controverses historiques amènent à la formation d’une mémoire apaisée. Le 22 septembre 1984, François Mitterrand et Helmut Kohl commémorent ensemble les morts de Verdun. C’est le point d’orgue de l’apaisement politique entre Français et Allemand autour de la “Grande Guerre”. 


SYNTHÈSE : 


Période

1870-1918

1918-1945

1945-1984

1984-2024

Faits

>2 conflits entre la France et l’Allemagne (la guerre franco-prussienne de 1870-1871 et la Première Guerre Mondiale 1914-1918)

>Entre-deux guerres caractérisé par le nationalisme et la montée des périls. 

>Une nouvelle guerre de 1939 à 1945 déchire l’Europe. 

>Bilan terrible, plus de 50 millions de morts, continent européen ravagé,

>Guerre Froide, l’Europe n’est plus qu’un terrain d’affrontement parmi d’autres.

>Construction européenne à partir du traité de Rome en 1957, apaisement politique,

>Récupération politique : Réconciliation franco-allemande(poignée de mains entre F.Mitterrand et H.Kohl à Verdun en 1984), 

>Union européenne bien établie, couple franco-allemand solide, 

>absence de guerre, réconciliation, grandes cérémonies internationales communes (célébration du centenaire),

Axe mémoriel

>En Allemagne, construction d’un empire autour de la Prusse. Exaltation nationaliste.

>En France, revanchisme français, exaltation nationaliste autour de la reconquête de l’Alsace-Lorraine.

>Les “écrivains témoins” (selon l’expression de Jean Norton Cru) témoignent sauf exception d’un “sacrifice consenti” (comme Ernst Jünger, avec Orages d’acier) (exception : Céline, Erich Maria Remarque)

>Les témoins directs sont âgés, la parole se libère sur les mutineries, sur les erreurs du haut-commandement, 

>Les témoignages mettent en avant l’expérience commune, terrible, des tranchées des deux côtés du front


>Création de mémoriaux comme à Péronne dans la Somme, 

>La Première Guerre mondiale devient un thème de fiction apaisée (Joyeux Noël, en 2005, film de Christian Carion, qui s’intéresse aux fraternisations ou, Le Pantalon en 1997, film de Yves Boisset sur le refus de combattre, d’obéir), Au Revoir là-haut, Un long dimanche de fiançailles.

Axe historique

> Les travaux historiques, rares, sont nationalistes. Les manuels scolaires aussi.

>Les travaux historiques, sauf exception (comme Le Crapouillot autour de Jean Galtier-Boissière, ou le livre collectif Ceux qu’ils ont vu) exaltent les soldats des deux côtés dans des thèses affrontées. Pacifisme à la marge.

>En Allemagne, autour de Fritz Fischer (auteur des Buts de guerre de l’Allemagne impériale), les historiens allemands reconnaissent les responsabilité allemande, 

>Côté français on s’intéressent aux mutineries, Guy Pedroncini, première thèse de doctorat consacrée à la "crise d'indiscipline" qui déstabilisa l'armée en 1917 (Les Mutineries de 1917, Presses universitaires de France, G.Pedroncini, 1967)


>2006 : création d’un manuel d’histoire franco-allemand,

>Mise en avant de l’expérience combattante partagée, école historique de Péronne, (Jean-Jacques Becker, Annette Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau, Retrouver la guerre, Gallimard, 2000), école du “consentement patriotique”.

> Travaux sur les mutins, autour de l’école historique dite de “Craonne”, qui s’intéresse elle au concept de contrainte (Nicolas Beaupré, Dans la guerre 1914-1918 : accepter, endurer, refuser, Paris, Les Belles Lettres, 2015), 

> Évelyne Morin-Rotureau (dir.), 1914-1918 : combats de femmes, 2004.



Exposé : Construction de l’histoire, politisation et judiciarisation de celle-ci.


Exposé sur un fait qui a prêté ou devrait prêter à une procédure judiciaire.

Votre rôle : 

  • Rappel des faits historiques (dates, responsables, faits, crimes) qui concernent votre exposé et des rôles des acteurs en jeu.

  • Mise en évidence du processus d’écriture de l’histoire et de l’émergence de mémoires contraires à celui-ci.

  • Réécriture ou non du récit historique national. 

  • Le cas échéant jugement, procédure pénale. 


Les notions de crime contre l’humanité et de génocide, et le contexte de leur élaboration doivent être abordées.


Exposé possible sur la construction de l’histoire et la reconnaissance : Le massacre de Katyn (1940), La Shoah, La guerre d’Algérie, Les Crimes de guerre japonais, Les femmes de réconfort, La Guerre civile au Sierra-Leone Massacres turcs en Grèce (XXème siècle), La connaissance et la reconnaissance du Goulag, Le Génocide arménien, L’esclavage.


B - Mémoires et histoire d'un conflit : la guerre d'Algérie


Une colonne de l’armée française se prépare à entrer dans le maquis de la région de Tlemcen, en avril 1956. JACQUES GREVIN / AFP


Aujourd’hui en France, le thème de la guerre d’Algérie est mobilisé via des thématiques précises, des aspects du conflit longtemps passés sous silence : la torture (dont témoigne par exemple le livre La Question, d’Henri Alleg, paru en 1958), les représailles sur les civils, l’usage disproportionné de la force par l’armée française, mais aussi, en France la répression du mouvement indépendantiste (2 événements majeurs : le 17 octobre 1961, une manifestation de musulmans de Paris organisée par le FLN subit une violente répression, l’incident du métro Charonne, le 8 février 1962, fait 9 morts, une plaque et une reconnaissance politique intervient en 2002). 


Reconstitution des parcours des manifestations du 17 octobre 1961 (source : Wikipedia, Plan réalisé à partir des descriptions et croquis des ouvrages suivants : "Police contre FLN" de Jean-Paul Brunet Flammarion ; "Paris 1961" de Jim House et Neil MacMaster Tallandier.)


La guerre d'Algérie a longtemps été « une guerre sans nom ». La guerre d’Algérie a longtemps été une « guerre sans nom », selon le titre du documentaire réalisé par Bertrand Tavernier (1992). Dès son début en 1954, les autorités françaises ont en effet refusé d’employer le mot « guerre » pour la désigner, choisissant à la place « des mots censés démilitariser le conflit » (R. Dalisson, Guerre d’Algérie. L’impossible commémoration, p. 98). La guerre d’Algérie n’a ainsi été désignée que par différentes périphrases et litotes : « les événements d’Algérie », « les opérations de police », « les actions de maintien de l’ordre », « les opérations en Afrique du Nord » ou « la pacification ». De même, les nationalistes algériens n’étaient pas nommés : ils étaient qualifiés de « suspects », « terroristes », « hors-la-loi » ou « rebelles ». C’est l’omerta qui domine. 


L'État français a refusé de reconnaître qu'il s'agissait d'une guerre. Pourtant, ce conflit violent a coûté la vie de nombreuses personnes, surtout algériennes, entre 1954 et 1962, en divisant profondément la société française. Les mémoires de la guerre d'Algérie sont opposées, chaque pays ayant sa version des faits. Aujourd'hui, on note une reconnaissance de la responsabilité de l'État français mais des tensions perdurent et du côté algériens, les crimes du FLN et du MNA (rançonnage et assassinats, par exemple de prostituées maghrébines à Paris, les attentats dans les cafés d’Alger, l’assassinat de deux enseignants lors de la Toussaint rouge en 1954) ne sont pas reconnus. Les conflits entre FLN et MNA sont également mal documentés par l’historiographie algérienne. 


En 1962, au terme d'un long conflit de guérilla, l'Algérie obtient son indépendance par les accords d'Évian. La France, humiliée de la perte de sa principale colonie, ne parle pas officiellement de guerre et les actes commis en Algérie sont amnistiés. Les mémoires du conflit en ressortent multiples et parfois fluctuantes et affrontées : une part des Français (les “pieds-noirs” particulièrement) et les harkis refusaient l'indépendance, ainsi que l'OAS qui l'a combattue par la violence quand une partie de la gauche et les indépendantistes algériens ont lutté au contraire pour l'obtenir. Ainsi, les mémoires se sont forgées dans le combat et la violence, pour les militaires, engagés ou appelés du contingent, les fellaghas ou encore les victimes civiles de manières différentes. Enfin, nombre de Français ont évolué sur le sujet, tel le général de Gaulle, de l'« Algérie française » vers l'acceptation de l'indépendance.


Le refus des gouvernements français de parler de « guerre » trouve sa source dans le refus de la sécession de l’Algérie. Comme le dit Benjamin Stora (La Gangrène et l’oubli, p. 18), « nommer la guerre, ce serait reconnaître une existence séparée de l’Algérie, ce serait admettre une "autre histoire". » Cela aurait également été reconnaître l’existence d’une guerre civile, autrement. Pourtant, tout montre que le conflit en Algérie était bien une guerre opposant deux forces armées. L’expression « guerre » a du reste été employée dès la période 1954-1962 : elle l’a non seulement été par les nationalistes algériens – qui parlaient de guerre « d’indépendance » ou de « libération » – mais aussi par les soldats français eux-mêmes et leurs familles, ainsi que par les opposants à cette guerre. En novembre 1955, pourtant, la revue Esprit dénonce dans un éditorial « les abominations d’une guerre sans nom ». Mais sa position reste marginale.


Même après la fin du conflit, les autorités françaises se refusent encore à le désigner comme une « guerre » et continuent à n’évoquer que « les opérations effectuées en Afrique du Nord ». Les associations d’anciens combattants de la guerre d’Algérie ne cessent pourtant de revendiquer l’appellation de « guerre ». Mais si les soldats ayant servi entre 1952 et 1962 en Algérie se voient octroyer « la carte du combattant » par la loi du 9 décembre 1974, cette loi ne fait mention que des « opérations effectuées en Afrique du Nord ».


Jusqu'aux années 1980, la France reste dans le déni de cette guerre, peu commémorée ou étudiée, alors que pieds-noirs et harkis, contraints de s'installer en métropole, doivent s'adapter dans une certaine indifférence. En 1992, l'ouverture des archives publiques permet le travail de l'histoire, une commémoration est organisée par des syndicats (dont la CGT) au métro Charonne et c'est en 1999 que l'État français requalifie les événements en « guerre d'Algérie », ouvrant la voie à des commémorations, sous l’égide du président Jacques Chirac et du Premier ministre socialiste Lionel Jospin. Un mémorial national de la guerre est inauguré à Paris en 2002 et les travaux historiques se multiplient, conduisant à des récits de plus en plus complets, et à la reconnaissance de la torture. 


Il faut attendre 1999 pour que la guerre d’Algérie soit enfin reconnue officiellement. Déjà, en septembre 1997, Jean-Pierre Masseret, secrétaire d’État chargé des Anciens combattants dans le gouvernement de Lionel Jospin, est le premier membre d’une équipe gouvernementale à parler de « guerre d’Algérie ». Inaugurant un mémorial aux anciens combattants et victimes civiles d’Afrique du Nord entre 1952 et 1962, à Pavie, dans le Gers, il avait lancé : « Permettez-moi d’utiliser l’expression de guerre d’Algérie, je sais bien que c’était une guerre, tout simplement. »


Puis le 10 juin 1999, une proposition de loi déposée par le député socialiste Jacques Floch, substituant l’expression « à la guerre d’Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc » à l’ancienne formulation « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », est adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Promulguée le 18 octobre 1999, cette loi marque la reconnaissance officielle de la guerre d’Algérie par l’État français, quarante-cinq ans après son début.


Entre 2001 et 2016, les présidents de la République français reconnaissent la responsabilité de la France dans l'abandon des harkis. En Algérie, on observe des travaux historiques moins nombreux et des crises politiques plus urgentes. La mémoire algérienne et les relations franco-algériennes restent marquées par ce conflit.


Les efforts d’Emmanuel Macron, assisté par l’historien Benjamin Stora, pour construire une histoire commune, à part égale entre Français et Algériens, achoppent en 2022, malgré le “rapport Stora” (2021) vu en classe.


Mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie

Un lieu de mémoire de la guerre d’Algérie :  Mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie à Paris


Description du monument sur le site de l’Office national des anciens combattants :  “Trois colonnes se dressent face à la Seine pour rendre hommage aux hommes et aux femmes, membres des formations supplétives, appelés du contingent ou engagés volontaires morts pour la France ainsi qu’aux victimes civiles disparues ou décédées lors de la guerre d’Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie de 1952 à 1964.


Inauguré le 5 décembre 2002 par Jacques Chirac, le monument conçu par l’artiste Gérard Collin-Thiébaut sur la promenade du quai Branly près de la Tour Eiffel, est un espace de cérémonies où sont organisées deux des trois journées nationales de commémorations de la guerre d’Algérie et de nombreuses manifestations associatives. Mémorial d’hommage aux Morts pour la France à sa création, l’ajout des victimes civiles dans la deuxième moitié des années 2000 rappelle que la mémoire évolue pour s’inscrire systématiquement dans son présent. Depuis les Journées Européennes du Patrimoine 2020 et l’organisation d’une lecture théâtralisée de textes de Germaine Tillion intitulée La mémoire et la raison 1954 – 1962, L’Algérie, ce Haut lieu de la mémoire nationale est aussi un espace de transmission des histoires et des mémoires de la guerre d’Algérie.


Le mémorial est constitué de trois colonnes lumineuses aux couleurs du drapeau français. Sur la première, bleue, défilent les noms de plus de 26 000 soldats Morts pour la France au Maroc, en Tunisie et en Algérie. Au centre, la colonne, blanche, affiche les noms de plus de 1600 victimes civiles. La troisième, rouge, interactive, permet d’afficher un nom inscrit sur les deux premières colonnes à l’aide d’une borne de recherche située à proximité. Au sol, la phrase « À la mémoire des combattants morts pour la France lors de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, et à celle de tous les membres des forces supplétives, tués après le cessez-le-feu en Algérie [le 19 mars 1962], dont beaucoup n'ont pas été identifiés » rend hommage à l’ensemble des victimes de ce conflit.”


Question : Dans quelle mesure ce monument participe-t-il à faire connaître et reconnaître les événements de la guerre d’Algérie et les affrontements nés des décolonisations du Maroc et de la Tunisie ?  


Le président François Hollande lors de la cérémonie de commémorations au quai Branly, le 19 mars 2016. Source : Christophe Petit Tesson, AFP


Bibliographie

Dalisson Rémi, Guerre d’Algérie. L’impossible commémoration, Armand Colin, 2018.

Stora Benjamin, La Gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte, 1991.


ETUDE CONCLUSIVE COMMENTAIRE DE DOCUMENTS. 


SUJET : Quelles ont été les étapes de la reconnaissance (historique, politique mais aussi éducative) de la déportation des juifs de France sous l’occupation ? Vous produirez une chronologie présentant les faits datés. 


CORRECTION : La discrimination puis la déportation et l’extermination des Juifs de France constitue une page sombre de l’histoire de France. Mais ce moment historique n’a pas toujours été reconnu à sa juste place. Il s’agit ici de s'intéresser à l'intégration de la Shoah et particulièrement de la déportation des Juifs de France. 

Il est d’abord nécessaire de rappeler quelques faits : 

  • le 4 octobre 1940, une loi est promulguée par le régime de Vichy qui permet l'internement des “ressortissants étrangers de race juive” dans des camps spéciaux.

  • La loi du 2 juin 1941, portant la création d’un “statut des juifs” qui discrimine les juifs. 

  • Le 1 juin 1942 est imposé le port de l’étoile jaune.

Tout s'accélère pendant l’été 1942, avec les premières rafles (16 au 17 juillet 1942, la rafle du Vel D'hiv). 

Au total, près de 76 000 juifs français ont été déportés vers des camps de concentration (comme Auschwitz après être passés par des camps tels que Drancy). Au total, environ 6 millions de juifs européens vont périr pendant la Shoah.

Le 27 janvier 1945, l’armée rouge libère le camp d'Auschwitz. Après le 8 mai 1945 et la capitulation allemande, l’entreprise de destruction des juifs par les nazis s'arrête

Tout de suite après la seconde guerre mondiale, les criminels de guerre nazis sont jugés, c’est le procès de Nuremberg. Mais une partie des responsables de la Shoah échappent au procès (ils s'exilent, changent d’identité grâce au réseau de l'Église catholique). Le procès de Nuremberg fut le premier tribunal militaire international de l’histoire. Il introduit pour la première fois la notion de “crime contre l’humanité”. C’est aussi la première application de la notion de “génocide”. Les complices français des génocidaires allemands ne sont pas jugés. 



1949 : Monument de Nuanta rendant hommage aux déportés de L’Ain. Ce monument rend hommage aussi bien aux déportés juifs que politiques. Il mélange sans distinction les différents types de déportés, sans prendre en compte la spécificité des déportés juifs.

1945: Création de la fédération française des déportés et internés. C’est la première période post-seconde guerre mondiale, où la spécificité génocidaire n’est pas encore reconnue. 

Au sortir de la seconde guerre mondiale en France, les mémoires sont marqués par:

 -l’unanimité autour d’une expérience résistante magnifiée,

- la mise sous silence des spécificités de la déportation raciale

On parle peu de la déportation et on en parle sans distinction de type. 

L’époque est à la reconstruction, le pays dans le cadre de la guerre froide se reconstruit, dans une mystique d’unité. L’examen des responsabilités, particulièrement dans les administrations, est impossible. Quelques purges ont eu lieu à la libération mais n’ont concerné que les élites, littéraires et gouvernementales (Pierre Drieu la Rochelle, Robert Brasillac fusillé en 1945, le maréchal Pétain). 


Sortie du procès de Nuremberg est de l’épuration de 1945, les années de l'après-guerre, 1945 à 1960, sont caractérisées par un vide mémoriel. Le “travail de mémoire”, expression popularisé par Paul Ricoeur, n’est pas fait. 


Après la période d’après-guerre démarre en France une période de production de témoignages sur la déportation juive et la constitution de lieux de mémoire. En 1956 est inauguré à Paris le mémorial du “déporté juif inconnu”. En 1953 en Israël avait été inauguré le mémorial de Yad- Vashem qui répertorie tous les juifs déportés. En France apparaît les  premiers lieux de mémoire de la Shoah. Le grand rabbin de France Jacob Kaplan organise les premières grandes commémorations nationales.


En 1957 la publication en français des confessions du commandant d'Auschwitz Rudolf Hoess. C’est à partir de la version allemande de ce livre que Robert Merle écrit “la mort est mon métier”. 

En 1961 le procès d'Adolf Eichmann a lieu. Il résidait à Buenos Aires et a été signalé par le procureur général de l'état de Hesse Fritz Bauer aux autorités israéliennes. Il est capturé par le Mossad en 1960 et amené à Jérusalem pour être jugé. David Ben Gourion le chef du gouvernement israelien veut en faire “le Nuremberg d’Israel”. Le procès est spectaculaire, couvert par la presse internationale dont Hannah Arendt. C’est un tournant dans les mémoires de la Shoah et ouvre une période de témoignages. 

En France en 1964 la loi rend imprescriptible la participation à un crime contre l’humanité ce qui rendra possible plus tard le procès de Maurice Papon, un des responsables français de la déportation. 


En littérature dans les années 1970, la publication et la réédition de livres témoignage sur la Shoah font de l'expérience génocidaire un topos littéraire. Prenons l’exemple de Primo Levi “si c’est un homme” est publié en 1947 mais demeure complètement inconnu. En 1958 il est réédité par un éditeur de taille plus importante. Mais c’est dans les années 1980 qu’il connaît un succès important. En 1987 il est traduit en français et introduit dans les programmes scolaires. 


Dans les années 1990, le cinéma de fiction s’empare lui aussi de la Shoah (La vie est belle 1997 de Roberto Benigni) suivant la voie ouverte par le cinéma documentaire ( Shoah de Claude Lanzmann ou Nuit et brouillard d’Alain Resnais). En 1990, le président de la république François Mitterrand reconnaît la responsabilité de la France et s’excuse publiquement. La loi Gayssot en 1990 interdit la négation de la Shoah. 

Le procès de Maurice Papon intervient en 1997 et en 1995 Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de l’Etat dans la déportation des juifs français.

 L'enseignement de la Shoah est introduit dans les programmes scolaires. Le génocide des juifs pendant la seconde guerre mondiale est passé des “mémoires” (communautaires, familiales, individuelles) à l’Hisoire.

Les mémoires homosexuelles, noires et tsiganes de la Shoah intègrent l’Histoire nationale française dans les années 2000. 


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