TERMINALES OPTION HGGSP 2022-2023 THEME DEUX : Faire la guerre, faire la paix : formes de conflits et modes de résolution.

Pour introduire le cours j'ai choisi de vous présenter la jaquette couleurs d'une édition munichoise de 1936 du livre La Guerre Totale du général allemand Erich Ludendorff. 



Erich Ludendorff en uniforme de généralissime allemand (il est généralissime de la Deutsches Heer pendant la Première Guerre mondiale, de 1916 à 1918).

Le livre est initialement édité pendant la Première Guerre mondiale, et réédité plusieurs fois, dont une fois dans cette édition populaire à jaquette illustrée.


La jaquette est intéressante car derrière un intéressant titre rouge inspiré par le constructivisme (courant artistique d'origine russe dont les figures de prou furent Alexandre Rodtchenko, Vladimir Tatline, Varvara Stepanova ou encore Vladimir Maïakovski), et évoquant également les travaux du Bauhaus allemand et du courant de la Nouvelle Objectivité, proche du constructivisme un photomontage présente la manière dont Ludendorff, et surtout, là, en 1936 le régime hitlérien pensent la guerre. Car avant de faire la guerre il faut la penser. 

Et que nous donne à voir ce photomontage en noir et blanc ? 
Il nous donne à voir une vision inversée de la pensée guerrière la plus classique, pour Ludendorff, et surtout pour les nazis qui s'inspireront et modifieront sa doctrine et la rendront plus radicale encore : ce n'est pas l'armée qui doit pas être au service de la société (les civils) mais c'est la société qui doit être au service de l'effort de guerre. Et même, comme le montre le scientifique (le savant en blouse) qui encadre une mère et son enfant : le corps social doit-être refondu, modifié, organisé, au profit de l'armée. 

Dans le champ politique nazi, les points extrêmes de cette action de modelage du corps social sont : la mise en place de l'Aktion T4 et la création des Lebensborns. 

Le terme Aktion T4 sert à nommer la campagne d'extermination par assassinat des adultes handicapés physiques et mentaux, allemands et autrichiens, menée par le régime nazi de septembre 1939 à août 1941, et qui a fait de 70 000 à 80 000 victimes.

Aktion T4 est le nom retenu après 1945 pour cette action conduite sous la direction du Bureau central T4 de la chancellerie du Führer. Même si cette action cessa officiellement en août 1941, l'extermination des handicapés, enfants et adultes se poursuivit tout au long de la Seconde Guerre mondiale. En outre, une grande partie de ses exécutants ont été recrutés pour l’Aktion Reinhard du programme de la destruction des Juifs d'Europe.

Fondée sur un terreau idéologique fertile prônant une politique eugéniste active, antérieure au nazisme mais exacerbée par celui-ci, favorisée par une intense campagne de propagande en faveur de la stérilisation et de l'« euthanasie » des handicapés, elle est le fruit d'une décision personnelle d'Adolf Hitler ; celui-ci en confie l'exécution à la chancellerie du Führer, dirigée par Philipp Bouhler. Mise en œuvre par des médecins nazis convaincus par les thèses du régime, et du personnel issu de la SS, elle se traduit par des mises à mort à grande échelle et au moyen de chambres à gaz spécialement construites à cet effet dans six centres dédiés à ces opérations. Bien que des efforts soient déployés pour garder l'opération secrète, celle-ci devient de plus en plus connue au fil des mois, ce qui suscite des protestations qui contribuent à son arrêt officiel, l'objectif exterminateur que les nazis s'étaient fixé ayant de toute manière été atteint. La stérilisation ou l'exécution des enfants et adultes handicapés du Reich demeure par ailleurs courante pendant toute la durée de la guerre, au mépris des droits humains. 

Le Lebensborn (fontaine de vie) était une association à but eugéniste de l'Allemagne nationale-socialiste, patronnée par l'État et gérée par la SS. Le but du Lebensborn était d'accélérer la création et le développement d'une race aryenne parfaite, pure et dominante. Le terme « Lebensborn » est un néologisme formé à partir de « Leben » (« vie ») et « Born » (« fontaine », en allemand ancien). Le journaliste, écrivain et cinéaste Marc Hillel l'a traduit en français par « Fontaines de vie ».

Le programme de création des Lebensborns vit le jour le 12 décembre 1935 dans le cadre de la politique d'eugénisme et de promotion des naissances. Le chef suprême des SS Heinrich Himmler en fut le créateur. Il s'agissait à l'origine de foyers et de crèches, les pères, en grande majorité des SS, étaient invités à concevoir au moins quatre enfants avec leur épouse légitime. 

À la faveur de la guerre, la SS transforma certains de ces centres en lieux de rencontre plus ou moins furtive où des femmes considérées comme « aryennes » pouvaient concevoir des enfants avec des SS inconnus, puis accoucher anonymement dans le plus grand secret et remettre leur nouveau-né à la SS en vue de constituer l'élite du futur « Empire de mille ans ». 

Également, durant la Seconde Guerre mondiale, dans les pays occupés par la Wehrmacht, plusieurs dizaines de milliers d'enfants, dont les caractéristiques physiques correspondaient au « type aryen » mis en avant par le régime, furent arrachés à leurs parents dans les pays conquis pour être placés dans ces centres.

Plusieurs cliniques et crèches du Lebensborn ont vu le jour hors d'Allemagne, dont une en France, Westwald, à Lamorlay près de Chantilly. 


Viols ritualisés, vols d'enfants, assassinats de masse et génocide, Himmler était prêt à tout pour réaliser son rêve, celui d'une Allemagne future épurée dont les individus ressembleraient aux canons de beauté nazi et cela quel qu'en soit le prix humain en terme de démographie mais aussi psychologique et social. 

1.1 Penser la guerre et les conflictualités. 


La guerre peut être définie comme : un état de conflit armé entre plusieurs groupes (religieux, politiques, ethniques). Si le dictionnaire Le Robert restreint sa définition aux seuls affrontements militaires entre armées, le monde actuel offre des situations asymétriques que l'on peut qualifier de guerre sans pour autant assister à des conflits de type classique armée(s) contre armée(s). Quelques exemples : la guerre civile espagnole ou la guerre d'indépendance irlandaise et sa poursuite en Irlande du Nord par les attentats perpétrés par l'IRA. Autre exemple les actions menées contre les "narcos" au Mexique de 2006 à aujourd'hui. 


Le mot conflit rassemble toute les formes de guerre (conflits armées) et plus largement les conflictualités, mot qui désigne les formes d'affrontements guerriers non armés (embargo, boycott, guerre idéologique). 


La paix correspond quant à elle à un état de repos des groupes considérés, ils sont le plus souvent humains mais pas seulement. Il est possible de s'intéresser aux conflits animaux. C'est le cas de la géographe Laine Chanteloup, spécialiste des meutes de loups. 



Les guerres restent rares durant la préhistoire. Des affrontements liés à l’accès aux ressources sont concevables mais les archéologues ne possèdent aucune preuve archéologique d'affrontements guerriers. 


Si des témoignages de prédation entre humains existent (en Espagne) il n'est pas impossible qu'il s'agissent de charognes dépecées. En Israël, des squelettes d'individus parfois jeunes et ayant été blessés par des javelots ont été trouvés mais il peut là encore s'agir de blessures accidentelles (chasse). 


C'est la révolution néolithique qui installe les sociétés humaines dans la guerre. Avant la sédentarisation des humains, la guerre n'est pas souhaitable, ni supportable par les micro sociétés humaines. Les individus d'un clan sont peu nombreux, perdre les hommes valides de la micro société peu entraîner la disparition de celle-ci. Par ailleurs la densité humaines est faibles et les hominidés, particulièrement les homo erectus, semblent avoir plutôt recherché l'évitement social, d'où la rapide extension géographique de l'espèce. 


Par contre, la création des premiers états et civilisations sédentaires amène, avec la création des premières frontières les premiers conflits armées. La Chine, l'Inde, mais aussi la Mésopotamie et l'2gypte, les premiers grand empire, sont les premiers lieu de la guerre attestés historiquement. Au XXXIIe siècle avant notre ère, la palette de Narmer témoigne déjà d'une pratique aboutie de guerre mais aussi du discours héroïque et politique entourant celle-ci. 


L'une des faces de la palette de Narmer (v. 3185 à 3125 avant notre ère), découverte en 1898, elle est conservée au musée égyptien du Caire. Avec la stèle du roi serpent et la massue du roi scorpion, elle fait partie des plus anciens objets royaux égyptiens connus. 


Dès le Néolithique, les artefacts liés à la guerre se confondent avec les instruments du pouvoir. Les dirigeants se doivent d'être présentés comme : courageux, valeureux, bons meneurs d'hommes, fiers et forts. L'autorité des dirigeants est assise par une propagande intense, qui les lient aux Dieux et à des êtres fabuleux. Ainsi Narmer, unificateur de la Haute et de la Basse-Egypte est également représenté vainqueur de deux serpopards (animal mythique). 


Dans l'Antiquité les auteurs font surtout l'apologie des chefs de guerre, voire de leur propres guerre, comme Jules-César dans son ouvrage, La guerre des Gaule, composé après le siège d'Alésia en trois au cours de l'année 52 avant Jésus-Christ. Il faut savoir que cette rédaction rapide est possible car des esclaves secrétaires, mais aussi le chef du secrétariat Aulius Hirtius, le jurisconsulte Trebatius, accompagnent César en Gaule, et l'aident lors de la rédaction des Commentaires à ordonner la chronologie des événements. Ils y joignent des descriptions ethnographiques ou géographiques tirées d'auteurs grecs, et trient les données factuelles (notes dictées, lettres, rapports aux Sénat) rassemblées durant la guerre. César n'a rédigé que la version définitive.


La guerre, durant l'Antiquité, et même le Moyen-Âge est longtemps un événement non codifié et emprunt de mysticisme. Que l'on pense à l'histoire romaine ou les prodiges guident les guerriers où au Moyen-Âge ou les rois francs guettent les prodiges et en appelle aux puis à Dieu, tel Clovis à la bataille de Tolbiac en 496


Avec l'émergence des États modernes et l'arrivée de l'artillerie, les conceptions guerrières changent. La guerre doit être pensée sur le long terme, et les liens sacrés et interpersonnels disparaissent au profit de la mise en avant de la technique, des moyens financiers et humains, du droit et de la rationalité. La guerre se professionnalise. 


L'un des grands penseurs modernes de la guerre et du droit des gens (ou droit international) est le néerlandais Hugo Grotius (1583-1645).



Hugo Grotius (1583-1645)


Deux de ses livres ont un impact considérable dans le domaine naissant du droit international : De Jure Belli ac Pacis (Le Droit de la guerre et de la paix) et son Mare Liberum (De la liberté des mers). 


Grotius influence largement sur l'évolution de la notion de « droit ». Avant Grotius, les droits sont compris comme inhérents aux objets et largement intemporels. Suite à ses travaux les droits sont compris comme liés aux personnes et dès lors fongibles, transmissibles et mouvants, Il deviennent l'expression d'une capacité d'agir, un moyen de réaliser quelque chose comme une capacité, dans un mouvement de pensée assez platonicien (distinction "en puissance" "en actes").


Il est l'un des premiers penseurs à définir expressément l'idée d’une société unique d'États, régie non par la force ou la guerre, mais par des lois effectives et par un accord mutuel visant à faire respecter la loi. Il influence de façon posthume la rédaction du traité de Westphalie (1648).


Le traité de Westphalie (ou paix de Westphalie), est un trio de traités signés en Allemagne, le 24 octobre 1648, concluent simultanément deux séries de conflits en Europe : La guerre de Trente Ans, conflit majeur qui a impliqué l'ensemble des puissances du continent dans le conflit entre le Saint-Empire romain germanique et ses États allemands protestants en rébellion et la guerre de Quatre-Vingts Ans, où les Provinces-Unies révoltées affrontèrent la monarchie espagnole.


Véritables congrès internationaux, de nombreuses puissances européennes y sont représentées. Trois traités signés à l'issue des réunions : - La paix de Münster, du 30 janvier 1648 entre l'Empire espagnol et les Provinces-Unies ; - Le traité de Münster, du 24 octobre 1648, entre l'Empereur du Saint-Empire romain germanique et la France (et leurs alliés respectifs), - Le traité d'Osnabrück du 24 octobre 1648 également, entre l'Empereur du Saint-Empire romain germanique et l'Empire suédois.

Modifiant profondément les équilibres politiques et religieux en Europe, particulièrement le Saint-Empire, ces deux traités sont aussi à la base du « système westphalien », expression utilisée pour désigner par la suite le système d'équilibre international des forces instaurées par ces deux traités.

 

Au XVIIIème siècle l'artillerie mobile s'est généralisée en Europe. Les canons deviennent plus réduits en calibre, plus mobiles, et standardisés. Ces calibres divers et réduits permettent l'organisation de manœuvres, de mouvements rapides sur le terrain. Le canon n'est plus une arme tactique largement immobile, une arme de siège, mais peut maintenant être mobilisé dans l’affrontement entre deux corps d'armée. 


En France, à partir de 1764 et jusqu'à sa mort en 1789, Jean-Baptiste de Gribeauval réforme l'artillerie française pour en faire une artillerie moderne, efficace et standardisée.





Pour aller plus loin : https://www.musee-armee.fr/collections/explorer-les-collections/portofolios/le-systeme-gribeauval.html


Finalement, c'est l'armée républicaine de 1792 qui profitera massivement des réformes de Jean-Baptiste de Gribeauval (bataille de Valmy, 1792) puis les armées de l'Empereur Napoléon Bonaparte lors des guerres de l'Empire entre 1804 et 1815. 


Un homme va synthétiser les leçons des guerres napoléoniennes : Carl Philipp Gottlieb von Clausewitz (1780-1831). Dans un ouvrage posthume, il fait la typologie des guerres et offre une grammaire pour leur compréhension et leur conceptualisation. Il définit la guerre comme : « un acte de violence dont l'objectif est de contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté. Et il n’y a pas de limite à la manifestation de cette violence. » Pour lui, « La guerre n'est que le prolongement de la politique par d'autres moyens. »


Il met en avant les nécessités politiques de la guerre, comme la formation d'alliances ou l'adéquation des moyens de la guerres à ses fins, quitte à en changer. Mais aussi les principes de sa conduite comme la plus grande facilité pour une armée régulière à mener une guerre défensive plutôt qu'offensive, ou les nécessités d'une bonne connaissance du terrain, et le rôle des espions. 


Carl Philipp Gottlieb von Clausewitz (1780-1831)



Question sur le texte : " Relire Clausewitz pour mieux comprendre la guerre en Ukraine ", par Mourad Djebabla (Professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean-sur-Richelieu, Groupe de recherche en histoire de la guerre et de la stratégie, Canada)
1. Présentez le document (nature, auteur, date, contexte de création, lieu)
2. Relevez le vocabulaire inconnu.
3. En quoi la guerre en Ukraine est-elle une guerre lisible aisément à l'aune de la théorie clausewitzienne de la guerre ? (Justifiez)
4. Quelles sont les failles du camp russe mises en évidence par la guerre en Ukraine, selon l'auteur ?
5. En quoi consiste la "trinité" clausewitzienne ?
6. Quelles étapes et facteurs de la guerre en Ukraine met en évidence l'auteur, lesquels sont clairement à l'avantage des Ukrainiens ?
7. Quelle conclusion tire l'auteur pour la poursuite de la guerre ?

Le modèle clausewitzien basé sur des acteurs, ou belligérants, bien visibles et donc identifiables aisément est particulièrement bien adapté pour rendre compte des guerres européennes des XVIIIème, XIXème et XXème siècle.


On peut citer :

- La guerre de Trente Ans (1618-1648),  

- La guerre de Sept Ans (1756-1763),

- Les guerres révolutionnaires (1792-1795),

- Les guerres menés par le Consulat et l’Empire (1799-1815),

- La guerre de Crimée (1853-1856),

- La guerre franco-prussienne de (1870-1871), 

- Les Première et Deuxième Guerre mondiale (1914-1918 puis 1939-1945, voire 1937-1945 si l’on considère le théâtre asiatique de Mandchourie).


La théorie clausewitzienne est déjà moins pertinente pour rendre compte des campagnes coloniales ou des guerres civiles et de sécession. Dans ce type de conflits, on peut citer la Guerre de Quatre-Vingt Ans (1568-1648) marquée par la révolte des Pays-Bas doublée d’une guerre civile à base religieuse entre territoires catholiques du Sud et protestants au Nord, qui deviendront les Pays-Bas, la révolte de Vendée (ou Chouannerie 1792-1800, marquée par la « conspiration de la machine infernale » le 24 décembre 1800), la Guerre Civile Américaine (1861-1865). 


Dans le cadre colonial, un exemple peu connu, celui des “Pavillons noirs” (en chinois Hei qi jun). Ces troupes irrégulières combattent en Indochine les troupes coloniales françaises. Les pavillons noirs, rebelles chinois commandés par Liu Yongfu (1837-1917, futur gouverneur de l’île de Formose, aujourd’hui Taïwan) et expulsés de Chine en 1864 vers le Tonkin après l'écrasement de leur révolte de 1850-1864, sont engagés par le pouvoir Annamites (Viêt-Nam) pour lutter contre des tribus montagnardes entre le fleuve Rouge et la rivière Noire. Ils arborent des bannières noires (rappelant aux européens le Jolly Roger des pirates, d’où leur nom de “pavillons noirs”), mais aussi blanches et rouges. 


Après le début de la colonisation française, les Pavillons noirs harcèlent les troupes françaises sur le fleuve Rouge. Un corps expéditionnaire commandé par Henri Rivière est envoyé pour traquer ces hommes qualifiés de “pirates” par le gouvernement de la IIIème République en 1881. Les Pavillons noirs obtiennent alors le soutien de la Chine impériale et affrontent les Français au côté des troupes chinoises.


Les pavillons noir affrontent la légion étrangère lors du siège de Tuyen-Quang (province du Tonkin) en 1885.


En juin 1885, vaincus, la troupe est dissoute mais Liu Yongfu est autorisé à rentrer en Chine. Néanmoins des groupes isolés continuent à harceler les Français jusqu’en 1887. 


Des penseurs contestent aussi l’ordre clausewitzien. Pour Ludendorff (1865-1937), déjà vu, la politique doit se militariser pour pouvoir conduire une guerre totale. Pour le penseur français Michel Foucault (1926-1984); il faut renverser la formule de Clausewitz et considérer que c’est la politique qui constitue une continuité de la guerre, démilitarisée mais non pacifiée. Pour Raymond Aron (1905-1983) politique et guerre constituent un unique continuum. Il ajoute que la politique change plus fortement la guerre que la guerre ne modifie le politique. Il s’appuie ici sur la formule de Georges Clemenceau (1841-1929) : “La guerre est une affaire trop sérieuse pour être laissée à des militaires”


Le penseur allemand Carl Schmitt (1888-1885), s’intéressant à la guérilla menée par les mouvements d’opposition à l’occupation française de l’Espagne (1807-1814) met en évidence combien la guerre échappe souvent à l’idée d’un conflit bien réglé entre États souverains. Pour René Girard, dans Achever Clausewitz, paru en 2007, il ne faut retenir de Clausewitz que l’idée d’un duel de masse. 


Aujourd’hui, même si les conflits actuels, entre la Russie et l’Ukraine ou l’Arménie et l'Azerbaïdjan, mettent en évidence le retour d’affrontements interétatiques classiques. La majorité des conflits contemporains sont des conflits infra étatiques : guerre civile, sécession de province. 


Les deux plus grandes zones de conflits, en se basant sur le nombre de morts sont : le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne. Durant la guerre froide, les gouvernements américains et soviétiques géraient leur affrontement idéologique ainsi que les affrontements secondaires naissants entre leurs alliés. Ainsi les “deux grands” surveillaient les situations conflictuelles et avaient tendance à maîtriser les éventuels dérapages. Contrairement à une idée reçue, la fin du monde bipolaire n’a pas débouché sur une explosion de violences en termes de nombre de conflits. Selon le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri, http://first.sipri.org), le nombre de conflits a diminué de moitié depuis 1989. Mais leur caractère a drastiquement été modifié : les guerres civiles, souvent ethnico-religieuses, sont plus nombreuses désormais que les conflits interétatiques.


Ainsi, le Sipri ne recensait plus de guerres interétatiques en 2007, ce qui est remis en cause aujourd'hui avec la reprise des grands affrontements régionaux, mais sur la même année, l'institution relevait 14 conflits armés avec pour enjeu le renversement du gouvernement en place ou le contrôle de territoires. Parmi ces derniers, quatre ont coûté plus de 1 000 vies par an : en Irak, en Afghanistan, au Sri Lanka et en Somalie. 


En 2010-2020, c’est la Syrie, l’Afghanistan et l’Irak, puis les théâtres africains qui ont été les plus meurtriers. 


Ce qui est également nouveau, c’est l'immixtion d’acteurs régionaux dans des conflits infra étatiques voisins. Ainsi, au Yémen, l’Arabie soutient le gouvernement d’obédience sunnite de Sanaa contre les rebelles houthistes, soutenu par le gouvernement iranien.  


Par ailleurs, l’usage irréfréné du terrorisme marque ses nouveaux conflits (11 septembre 2001, prise d’otages de Beslan le 1 septembre 2004, attentats du 13 novembre 2015 à Paris). 


Pour aller plus loin : Dix attentats qui ont changé le monde : Comprendre le terrorisme au XXIe siècle, par Cyrille Bret, 9 septembre 2020. 



Pour aller plus loin : https://www.monde-diplomatique.fr/publications/l_atlas_un_monde_a_l_envers/a53907#:~:text=Parmi%20ces%20derniers%2C%20quatre%20ont,la%20violence%20(...)


Un membre des forces spéciales russes à Beslan, septembre 2004.

LE MOYEN-ORIENT : ENJEU DE CONFLIT

Jusqu’à la Première Guerre la région du Moyen-Orient est dominée par la puissance ottomane (l’Empire ottoman, puissance impériale originaire d’Asie centrale et héritière du pouvoir des dynasties califales arabes). Le sultan-calife ottoman dirige un territoire immense : de l’Océan indien à la Mer Méditerranée. 


Au XIXème siècle, sa puissance vacille, l’Empire ottoman est contesté dans la région. Les puissances occidentales profitent de sa fragilité (il est qualifié “d’homme malade” par le tsar Nicolas Ier). 


Par exemple, au Liban, à la suite des massacres des Maronites par les Druzes de 1840 à 1860, les grandes puissances de l'époque (la France, le Royaume-Uni, l'Autriche-Hongrie, la Russie, la Prusse) envoient des forces armées (on parle de “corps expéditionnaire”) et obligent l'Empire ottoman à créer une province (mutasarrifiya) autonome du Mont-Liban en 1861. Elle doit être dirigée par un gouverneur, sujet ottoman chrétien, sous la surveillance des consuls européens. Un conseil consultatif central, majoritairement composé de chrétiens, est également mis en place sur une base communautaire proportionnelle. C'est pendant cette période d'autonomie que sont créés les premiers conseils municipaux élus au Liban. Le vilayet de Beyrouth (province), détaché du vilayet de Syrie en 1888, devient le pôle économique du Levant. Le chemin de fer de Beyrouth à Damas, le premier de la région, ouvre en 1895. Le gouvernement français de Napoléon III était intervenu pour protéger les populations chrétiennes et installer de fait un protectorat sur le pays. La France finance la construction d'écoles et favorise les minorités chrétiennes libanaises. Après la Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman est démantelé : la SDN (Société des nations) décide la partition de l’Empire ottoman, et place la majorité de ses territoires sous mandats des puissances occidentales. 


Les années 1919 à 1948 constituent le temps des “mandats”. Ces projets de mandats ont été imaginés par les Alliés dès mai 1916, à la faveur de la Révolte arabe et des accords Sykes-Picot. Les territoires de l'ancien empire ottoman sont alors placés sous la tutelle de pays vainqueurs de la guerre, la France et l’Angleterre. 


Par ailleurs, en 1917, la déclaration Balfour a rendu publique la volonté anglaise de favoriser l’émergence d’un “foyer national juif”. 


En 1922, l’Empire ottoman s’effondre, en 1923 la Turquie (dirigée par Mustafa Kemal) est victorieuse des armées grecques mais accepte la fin de sa présence dans la péninsule arabe. 


Les pays arabes vont alors prendre leur indépendance. 


L’Irak obtient sa pleine indépendance en 1932, à sa tête un roi, la monarchie dure jusqu'en 1958 et est remplacée par une république. Le 14 juillet 1958 : le roi d’Irak Fayçal II (dernier souverain hachémite) est renversé et tué par le Général Kassem. 

Abdelaziz ibn Saoud devient roi d’Arabie saoudite en 1932. Les anciens territoires de la puissance ottomane se divisent et donnent naissance à des royaumes ou à des républiques autoritaires. 


L’année 1932 marque l’échec des premières tentatives du “panarabisme”, les pouvoirs arabes, religieux comme politiques, échouent à s’unir, l’éphémère royauté hachémite soutenue par le pouvoir anglais en témoigne.  


Parallèlement, le foyer national juif se développe.

 



Carte originale des accords Sykes-Picot, mai 1916.


En 1936-1939, la Palestine est le théâtre de heurts entre juifs et musulmans, c’est la “rébellion arabe” ou “révolte arabe”. Son échec militaire aboutit au démantèlement des forces paramilitaires arabes et à l'arrestation ou à l'exil de ses dirigeants. Elle provoque le renforcement des forces paramilitaires sionistes (la Haganah et l’Irgoun), notamment avec le soutien des Britanniques. Sur le plan politique, elle pousse les dirigeants arabes envoyés en exil, parmi lesquels le grand mufti de Jérusalem, Mohammed Amin al-Husseini, à choisir le camp de l'Allemagne nazie à la veille de la Seconde Guerre mondiale.


Bien que vaincus militairement, les Arabes palestiniens obtiennent des concessions politiques. Le Livre blanc britannique de 1939 impose une limitation de l'immigration juive et du transfert de terres arabes à des Juifs, et promet la création d'un État unitaire dans les dix ans, dans lequel Juifs et Arabes partageront un gouvernement qui permettrait de préserver les intérêts de chaque communauté. Cette proposition est rejetée par la communauté juive palestinienne et ses forces paramilitaires, qui se lancent à leur tour dans une révolte générale qui est cependant interrompue par la Seconde Guerre mondiale.


Après la Seconde Guerre mondiale, la puissance mandataire britannique livre une guerre asymétrique contre les différents courants du sionisme et contre les noyaux de la rébellion arabe. Avec la Seconde Guerre mondiale, l’immigration juive vers la Palestine s’accélère. 


Des migrants juifs sur un bateau vers 1947.


Un nouveau plan de partage, cette fois proposé par l'ONU, qui s’est prononcé en faveur d'un partage de la Palestine en novembre 1947 est rejeté par les forces locales. Le 14 mai 1948, le dirigeant sioniste David Ben Gourion chef de l’Agence juive et de la Haganah proclame l’indépendance d’Israël. Une nouvelle guerre éclate, dont les israéliens sont victorieux. C’est la première guerre israélo-arabe. 


La guerre des Six Jours, provoquée par les pays arabes, du 5 au 10 juin 1967, est une nouvelle victoire israélienne. Elle provoque un nouvel exode palestinien depuis la Cisjordanie vers la Jordanie, ainsi que l'arrivée en Israël de près de 600 000 Juifs en provenance des pays arabes, chassés de chez eux. Les mouvements de populations ont débouché sur le problème des réfugiés palestiniens, qui sont près de 5 millions aujourd'hui. Israël présente elle une minorité d'environ 2 millions d'Arabes israéliens.


Soldats arabes pendant la guerre des 6 jours, en 1967


En 1973, une nouvelle guerre éclate, la Guerre du Kippour. Les troupes égyptiennes et syriennes attaquent par surprise Israël le 6 octobre, lors de la fête du Yom Kippour ou « jour du pardon ». Leur objectif est de reconquérir les territoires occupés par les Israéliens depuis juin 1967. Jusqu'au 9 octobre, l'armée israélienne est en position de retrait ou défensive. A compter du 10 octobre, elle reprend l'initiative et commence des mouvements d'encerclement des troupes égyptiennes. Le cessez-le-feu du 24 octobre consacre la victoire de l'armée israélienne. La résolution des Nations-Unis 338 réaffirme la nécessité d'une « paix juste et durable au Moyen-Orient ».


Soldats des forces armées israéliennes traversant le canal de Suez, le 6 octobre 1973, pendant la guerre du Kippour.


DES ESPOIRS DE PAIX


Les accords de Camp David signés le 17 septembre 1978, par le président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin, sous la médiation du président des États-Unis, Jimmy Carter, marquent la première étape dans le processus de reconnaissance d’Israël par l’Egypte, ils marquent le premier traité de paix entre Israël et un pays arabe : le traité de paix israélo-égyptien de 1979.


En 1993, avec les accords d'Oslo, Yasser Arafat accepte officiellement l'existence d'Israël, en rupture avec la politique de destruction d'Israël de son organisation politique, l'OLP, initialement créée en Egypte. Mais en 1995, Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien et favorable à la paix avec la Palestine, est assassiné.  

  L’enterrement d’Yitzhak Rabin en 1995. Auprès du cercueil est visible le Président américain de l’époque, Bill Clinton.


En 2000, Yasser Arafat refuse le plan de création d'un état palestinien proposé par le gouvernement d'Ehud Barak, car il ne comprend pas le droit au retour des réfugiés palestiniens.


En 2008, le Hamas se dit prêt à accepter une hudna islamique (trêve temporaire), dans le cas ou Israël accepterait les revendications palestiniennes de frontières sur la ligne verte et l'acceptation des réfugiés palestiniens. Le Hamas et le Jihad Islamique ont pour objectif de conquérir Israël et de le remplacer par un État islamique.


Aujourd’hui, le processus de paix est au point mort. Le gouvernement actuel, dirigé par Benjamin Netanyahu, considéré comme le plus à droite de l'histoire du pays, intègre des partis d'extrême droite et les ultra orthodoxes. Seulement cinq femmes siègent dans ce gouvernement.



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